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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 14:03

Éditions du Seuil, 2015

 

 

Michel Pastoureau, historien français spécialiste de la symbolique des couleurs, des animaux et du Moyen Âge, démontre avec cet ouvrage que la grande Histoire, celle qu’on affuble souvent d’un grand H, s’accorde souvent selon les aléas de l’improbable, de ce qui peut passer de prime abord pour une simple anecdote. Il revient en effet sur la mort accidentelle, en 1131, de Philippe, fils aîné du roi Louis VI le Gros. Or, jusqu’au XIIe siècle, il est encore d’usage que le fils aîné du roi de France soit sacré roi dès son plus jeune âge, afin d’assurer officiellement la ligne de succession. C’est donc un roi qui de France qui décède en 1131. Sauf que les circonstances de cette mort paraissent ignominieuses aux yeux des contemporains de l’époque : un vulgaire cochon domestique a surgi et traversé la route aux pieds du cheval de Philippe, lequel a paniqué, a renversé son noble cavalier et s’est abattu sur lui, provoquant de mortelles blessures.

Au-delà des circonstances inhabituelles de cet accident, Michel Pastoureau développe sa thèse au fil des pages : selon lui, cette souillure et cette infâmie dues à un simple porcus diabolicus ont conduit la famille royale à redorer son blason en plaçant désormais le royaume de France sous la protection mariale du lys célestiel et de la couleur bleu, couleur s’imposant comme la couleur divine par excellence. C’est donc en réponse à un porc gyrovague que la monarchie française se serait drappée de ces attributs protecteurs et rédempteurs. Le roi de France devient alors le seul dynaste européen à orner, avec le lys, ses armoiries d’un emblème végétal, au contraire de ses pairs qui arborent quasi systématiquement un animal, à l'instar des léopards anglais ou du taureau suédois. Il devient ainsi rex christianissimus, le « roi très chrétien ». Une thèse originale que l’auteur expose et défend avec brio, nous emmenant dans les coulisses des symboles du pouvoir au Moyen Âge, étudiant leur articulation avec le pouvoir religieux, et narrant le rapport judiciaire que les femmes et hommes de ce temps entretenait avec les animaux. Jusqu’au XVIe siècle, il est ainsi commun de voir des animaux, domestiques ou non, traduits en justice et executés derechef !

Le roi tué par un cochon est un livre d’histoire à la fois très bien documenté et ludique, qui nous conte pourquoi et comment le bleu devint le couleur de la France, grâce à un pourceau égaré. Surprenant et passionnant !

 

Par Matthieu Roger

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26 mai 2020 2 26 /05 /mai /2020 17:00

Éditions Casterman, 2017

 

 

Repères compile 117 planches dessinées à l’encre de chine par Jochen Gerner, planches publiées dans l’hebdomadaire français le 1 entre avril 2014 et mai 2017. Présentées de manière chronologique, elles traitent chacune, sur deux pages et en une quinzaine de vignettes dessinées, d’un thème très précis lié à l’actualité. Les sujets abordés sont vraiment divers et variés, portant sur l’économie, l’histoire, la géopolitique, la géographie, la politique, les cultures, les religions, etc. C’est ainsi que Jochen Gerner nous fait ainsi découvrir la bataille de Verdun, le Groenland, les combats féministes, la vie d’Einstein, les utopies urbaines… Ses planches constituent ainsi un condensé de culture générale, toujours mis en perspective avec les grands enjeux contemporains. Son coup de crayon en noir et blanc est limpide, avec de petits dessins extraordinairement synthétiques laissant la part belle à l’humour, avec force pictogrammes à l’appui. Ces saynètes ressuscitent les grands personnages et événements historiques, et permettent de saisir en seulement deux pages les grandes étapes chronologiques d’un sujet. Brillamment réalisé, voici un livre qu’il faudrait mettre en toutes les mains, et dont la lecture viendrait parfaitement compléter un ouvrage synthétique tel que la Brève histoire du monde d’Ernst Gombrich.

 

Jochen Gerner a été lauréat du Concours des plus beaux livres français en 2008 et 2009, lauréat du prix de l’École supérieure de l’image (Angoulême) en 2009, et lauréat du prix Drawing Now (Paris) en 2016.

 

 

Par Matthieu Roger

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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 17:51

Éditions Tallandier, 2007

 

 

Baroudeur, officier, champion de polo, héros, prisonnier, évadé, reporter de guerre, écrivain, homme politique, à vingt-cinq ans, Winston Churchill est déjà tout ça à la fois. À vingt-cinq ans, la vie du jeune Winston Churchill est déjà un grand roman d’aventure. 

Ce livre écrit en 1930 parle d’une époque révolue où la première déflagration mondiale n’a pas encore ôté à la guerre son romantisme aveugle, ou les voyages au long court sont comme de paisibles confinements et ou l’Angleterre règne encore sur un Empire éclatant, lumière d’un monde en paix.

Pour notre plus grand plaisir, Winston Churchill nous compte son enfance puis sa jeunesse sans que ne pèse le jugement de l’homme mature qui écrit ses jeunes années. Il nous partage sans filtre les sentiments fougueux et insouciants qui habitent ce jeune officier un peu turbulent, rêvant d’aventure et de gloire. La finesse de la plume et l’humour de l’auteur font de ces mémoires une épopée délicieuse, une œuvre littéraire à part entière – on notera que l’auteur recevra le prix Nobel de Littérature en 1953.

 

Ce qui frappe le lecteur, au-delà de son insolente envie d’aller risquer sa peau à l’autre bout du monde, c’est la liberté avec laquelle le jeune Winston entreprend sa vie. Chacune de ses extraordinaires aventures, à Cuba auprès de l’armée Espagnole, en Inde, ou Soudan ou en Afrique du Sud au service de sa Majesté, le jeune Winston est aller s’y fourrer lui-même ! C’est à l’aide d’une volonté farouche, d’une force de caractère inexpugnable et d’une débrouillardise hors norme qu’il se forge le destin d’un aventurier héroïque. 

De ses aventures, le jeune officier, journaliste tire à l’époque de brillants articles et même des ouvrages à succès. C’est aussi à cette époque qu’il se crée ses premiers succès politiques, vite suivis d’échecs qui se couronneront finalement par une entrée au Parlement. 

Un esprit libre, un courage physique exceptionnel et une volonté de fer habitent cette jeunesse au panache d’un autre temps, qui forgent le destin d’un des plus grands hommes qui ait foulé notre mémoire. Churchill est un géant, un monument dont il faut visiter les fondations pour appréhender l’entièreté de ce colosse aux pieds d’acier. 

 

 

Par Nicolas Saint Bris

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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 21:55

Éditions Actes Sud, 2019

 

 

À l’instar des ouvrages d’Éric Vuillard déjà chroniqués sur ce site, voici un nouveau livre indispensable. La guerre des pauvres, publié en 2019 aux Éditions Actes Sud, n’est rien moins qu’une mise en perspective historique des révoltes populaires et de leur rapport au pouvoir inique qui opprime les masses. S’appuyant sur l’exemple des révoltes populaires qui agitèrent l’Angleterre des XIIIe et XIVe siècles ainsi que sur celui des guerres paysannes qui embrasèrent le Saint-Empire germanique au XVIe siècle, Éric Vuillard déploie un style d’écriture extrêmement direct pour dépeindre la rage révolutionnaire qui signa la rupture irrévocable entre le peuple et ses souverains. Il convoque de nombreuses figures historiques, comme Jan Hus, et incarne cette rage d’exister en la personne de Thomas Münzer, prédicateur anabaptiste qui devint l’un des chefs de file des révoltes armées en Alsace et Thuringe. Thomas Münzer éructe, soulève les foules, menace les princes et les puissants : « s’il en est autrement, le glaive leur sera enlevé et sera donné au peuple en colère ». Avec un souffle qui nous ferait presque penser au protagoniste de Voyage au bout de la nuit de Céline, l’argot en moins, l’auteur dépeint des siècles d’oppression se mêlant au schisme religieux qui accouchera du protestantisme. Grâce à son style inimitable, il nous transporte au côté de cet homme jusque-boutiste mais luttant pour une cause fondamentalement juste. Ce n’est pas la narration biographique en tant que telle qui préoccupe ici Éric Vuillard, mais la colère sourde des peuples. Difficile de traiter sujet plus actuel.

 

C’est bel et bien ce jeu de miroir avec la crise de nos sociétés contemporaines qui rend La guerre des pauvres incontournable. « Ce n’était pas Dieu. C’étaient bien les paysans qui se soulevaient. À moins d’appeler Dieu la faim, la maladie, l’humiliation, la guenille. Ce n’est pas Dieu qui se soulève, c’est la corvée, les censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez coupés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés. » (page 58) C’est pourquoi ce récit doit avant tout se lire comme un manifeste politique. Ou quand un cri du cœur se mêle au cri du peuple.

 

 

Par Matthieu Roger

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26 mars 2019 2 26 /03 /mars /2019 15:16

Éditions Actes Sud, 2017

 

 

L'ordre du jour traite de la lâcheté. Cette lâcheté humaine qui laisse la porte ouverte à toutes les ignominies. Ainsi en est-il de ces vingt-quatre grands patrons industriels allemands qui en février 1933 courbent l'échine devant le nouveau pouvoir nazi, guidés par leurs seuls intérêts financiers. Ainsi en est-il des dirigeants autrichiens et européens qui en 1938 permettent l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, nouveau jalon posé vers la Seconde guerre mondiale. Ainsi en est-il de tous ceux qui laissent l'infamie agir au grand jour, par peur, honte, calcul ou indifférence. Ainsi en est-il de la lâcheté des hommes, à l'oeuvre aussi bien dans les salons displomatiques que des les rues quotidiennes, peinte par Éric Vuillard avec brio, sur fond d'Histoire avec un grand H. Son style d'écriture est élégant, subtil, et nous prend aujourd'hui à témoins. Ne leur pardonnez pas, car ils savent ce qu'ils font...

 

L'ordre du jour a reçu le Prix Goncourt 2017.

 

 

Par Matthieu Roger

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1 mars 2019 5 01 /03 /mars /2019 13:35

Éditions La Découverte, 2018

 

 

 

Le réquisitoire mené par Laurent Mauduit est implacable et sans appel : la République française est aujourd'hui assujettie à une haute fonction publique constituée en oligarchie, laquelle a réussi à capturer le pouvoir politique et les principaux rouages de l'État, dont Bercy. Le tout au profit de la finance capitaliste, avec laquelle partage désormais un destin commun à cause des jeux nocifs de pantouflages et rétropantouflages. Laurent Mauduit, journaliste d'investigation et confondateur de Mediapart, livre ici un constat des plus révoltants, mais fort bien argumenté. Il s'appuie sur l'histoire politique française du XIXe et du XXe siècles pour caractériser l'évolution de cette caste des élites publiques, qui ne poursuit en aucun cas l'intérêt général. Jusqu'à même s'emparer de la plus haute fonction de l'État avec Emmanuel Macron. Les courroies de transmission de cette oligarchie sont clairement identifiés par l'auteur : l'ENA et l'Inspection des Finances, sans oublier Sciences Po. Ces institutions, qu'il souhaiteraient voir supprimées, ne sont que les agents zélés de la reproduction sociale s'opérant en faveur de la bourgeoisie. Laurent Mauduit se place là dans la continuité des analyses menées en son temps par Pierre Bourdieu au sujet de la reproduction des élites. Et de conclure : il faut "supprimer l'ENA pour confier à l'université le soin de former les élites françaises, et supprimer cette société d'entraide pour oligarques que constitue l'Inspection des finances" (page 198).

 

La Caste, outre la passionnante rétrospective qu'il offre sur deux siècles de politiques en France, est un ouvrage essentiel pour mieux comprendre la capture du destin national par ce milieu incestueux de la haute fonction publique. Et le plus inquiétant c'est que cette dernière, à l'instar des puissances de l'argent, ne servira jamais que ses propres intérêts. Une enquête salutaire. Un ouvrage à lire d'urgence !

 

 

Par Matthieu Roger

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9 août 2018 4 09 /08 /août /2018 16:42

Le Livre Contemporain, 1959

 

 

Il faut prendre quelques précautions avant de se lancer dans La Grande Révolution 1715-1815. En particulier parce que son auteur, Bernard Faÿ, est un personnage trouble, aux idées bien arrêtées. Cet historien, grand spécialiste du siècle des Lumières, de la révolution américaine et de la Révolution française, fraya en effet avant-guerre avec les cercles de l’Action Française, pour ensuite se voir nommé directeur de la Bibliothèque Nationale de France sous Vichy. Emprisonné après-guerre et condamné pour ses actes de collaboration à l’indignité nationale, celui-ci poursuivit cependant ensuite son travail de recherches. Une fois cela posé quant à la grille de lecture idéologique de l’auteur, la lecture peut commencer.

 

La Grande Révolution est une étude extrêmement détaillée de l’évolution politique qui conduisit aux événements paroxystiques de la période 1789-1794. Bernard Faÿ a raison lorsqu’il pose l’étude de la Révolution sur un cycle long et non seulement événementiel. Mais ses partis-pris intellectuels, qui le conduisent à enquêter uniquement à décharge en faveur du pouvoir royal l’empêchent de fournir une analyse impartiale. Nonobstant ce problème fondamental de partialité critique, qu’il faut conserver à l’esprit tout au long de la lecture de l’ouvrage, il n’en pose pas moins certains constats importants à mettre en vis-à-vis du mythe révolutionnaire. D’une part, la création du nouveau pouvoir parlementaire sous la forme d’une Assemblée Constituante inédite en France se réclame bel et bien d’une adhésion à une nouvelle monarchie parlementaire. La république ne sera que la conséquence d’une fuite en avant accélérée vers la Terreur, rendue possible par l’opposition de multiples factions politiques plus ou moins structurées, s’annihilant les unes et les autres au fil du temps, conjuguée à la vacance du pouvoir central provoquée par la mise à bas de la monarchie. Mais en 1789 l’irruption du régime républicain n’était pas à l’ordre du jour, et encore bien difficile à prédire. D’autre part, son analyse passionnante des manœuvres politiques de cette décennie, très exhaustive, montre à quel point la Révolution française fut à ses débuts un mouvement uniquement parisien, la capitale devenant au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle le terrain de jeu des factions et clubs politiques en tous genres. Louis-Philippe d’Orléans fit d’ailleurs partie des agitateurs publics les plus actifs, sans réussite puisque guillotiné dès 1793 ; son destin  est symptomatique des feux de paille de paille politiques ayant embrasé cette période. Malheureusement, l’obsession de Bernard Faÿ à dénoncer systématiquement les agissements de la franc-maçonnerie, dont il fut un des principaux opposants sous Vichy, obère sa capacité à élargir le faisceau des causes et des conséquences de cette phase politique. On retrouve là à la fois la force et la faiblesse de La Grande Révolution : une érudition certaine couplée à certains partis-pris idéologiques partiaux. Dommage, car cette analyse successive de ce que l’auteur dénomme « la révolution philosophique », « la révolution royale », « la révolution parlementaire », « la révolution orléaniste », « la révolution aristocratique » et « la révolution des révolutionnaires » ne manque pourtant pas d’intérêt.

 

 

Par Matthieu Roger

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24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 11:57

Éditions Gallimard, 1952

 

 

 

Publié chez Gallimard en 1952 par Robert Merle, dont je ne saurai trop vous conseiller sa longue saga sur les guerres de religion intitulée Fortune de France (Éd. Plon, 1978-1985), cet ouvrage oscillant entre roman historique et biographie nous narre la vie de Rudolf Hoess, le commandant du camp d'Auschwitz durant la Seconde guerre mondiale. De son enfance jusqu'à son exécution finale par pendaison sur le lieu même de ses crimes, on assiste horrifié à l'ascension militaire de cet homme sociopathe et névrosé, doté d'une seule et unique obsession : obéir.

 

Obéir mais à quel prix ? Comment renier définitivement toute part d'humanité ? Robert Merle, grâce à un travail d'historien précis et documenté, nous confronte à l'incompréhensible ignominie de la machine d'extermination nazie. En mettant au point le système d'extermination sans doute le plus poussé de l'Histoire, Rudolf Hoess, alias ici Rudolf Lang, s'affranchit de toute conscience et jugement moral afin d'exécuter "son devoir" envers l'Allemagne. Tout le talent de l'auteur, à l'instar de ce que Jonathan Littell avait déployé dans Les Bienveillantes (Éd. Gallimard, 2006) avec son officier SS Maximulien Aue, c'est de nous immerger au coeur de la vie quotidienne d'un monstre à sang froid, méthodique et sans état d'âme. Une véritable plongée aux enfers tracée par un Rudolf Hoess psychologiquement insaisissable, qui n'exprimera jamais aucun véritable remord face au génocide dont il prit part au plus haut niveau. Il n'y a qu'a consulter son autobiographie, que Hoess rédigea en 1947 pendant sa détention, pour en être définitivement certain.

 

La Mort est mon Métier est un livre fort, marquant, forcément éprouvant mais excellemment bien écrit. Je l'ai lu d'une seule traite.

 

 

Par Matthieu Roger

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 13:34

Éditions Perrin, 2017

 

 

 

Le défi auquel s'attaque Patrice Gueniffey avec ce Napoléon et de Gaulle est de taille : il ne s'agit rien de moins que de mettre en parallèle les destins nationaux de ces deux grands personnages tutélaires de l'Histoire de France, tout en interrogeant de manière plus générale la place de la figure héroïque à travers les siècles. Ce n'est donc pas un hasard si le sous-titre de cet ouvrage annonce le parti-pris : "deux héros français". Battant en brèche l'approche structurelle et parfois maximaliste de l'École des Annales, il détourne l'exercice biographique afin de faire se dresser devant nous le génie politique propre au futur Empereur des Français et au futur Président de la République française, capables par leur seule volonté d'infléchir le cours des événements. Plus qu'une doctrine personnelle, c'est bel et bien un art du jugement dont firent montre Napoléon et de Gaulle. De même qu'ils revendiquaient un lien direct et personnel avec le peuple français, ils incarnèrent tous deux, dans des contextes extrêmement différents, l'homme d'État par excellence. Cette stature, ils ne la cultivèrent pas de la même manière. Là où Napoléon se prévalait d'une gouvernement par la guerre afin de mener à bien ses ambitions, de Gaulle appuyait son action politique sur le refus de tout idéalisme ingénu, couplé à un fort attachement aux principes moraux. Deux hommes, deux destins hors normes, deux visions du lien reliant le chef à la nation. Car comme le rappelle si bien Patrice Gueniffey, "l'héroïsme n'est pas seulement transgressif, il est profondément individuel, unique, non reproductible, incomparable".

 

L'auteur, historien spécialiste de la Révolution et de l'Empire et directeur d'études à l'EHESS, nous livre ici un livre remarquable, dont les sphères d'analyses dépassent largement la simple étude des vies respectives de Napoléon et de Gaulle. Le tout est très bien écrit et, si l'on excepte un dernier chapitre moins pertinent sur le Panthéon, ce "cimetière des héros", on en ressort saisi par sa réflexion sur la responsabilité collective porté par l'historiographie et la manière dont celle-ci peut construire ou déconstruire un roman national.

 

 

 

Par Matthieu Roger

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26 décembre 2017 2 26 /12 /décembre /2017 14:15

Éditions Plon, 2014

 

Nous vous avions présenté lors de notre dernière chronique en date le premier tome de cette gigantesque fresque historique que constituent Les Rois Maudits. L’heure est maintenant venue de jeter un regard panoramique sur la saga entière, forte de sept livres publiés par l’Académicien Maurice Druon entre 1955 et 1977 : Les Rois de fer, La Reine étranglée, Les Poisons de la couronne, La Loi des mâles, La Louve de France, Le Lis et le Lion, Quand un roi perd la France.

Réussissant le tour de force de suivre pas à pas les rois de France du XIVe siècle, de Philippe le Bel (décédé en 1314) à Jean II le Bon (couronné en 1350), l’auteur s’échine à retranscrire l’atmosphère pour le moins délétère qui agite les coulisses la fin de la monarchie capétienne et l’avènement de la branche des Valois. Et point trop n’est de son talent de portraitiste pour dépeindre les vices de ces figures royales ayant l’une après l’autre provoqué le déclin de la France. Louis X, Jean Ier, Philippe V, Charles IV, Philippe VI, Jean II : les successeurs de Philippe IV dit le Bel ne furent jamais à la hauteur de leur auguste devancier. Pire, les complots qu’ils ourdirent en cachette ou dont ils furent les victimes conduisirent à une période d’instabilité dont profitèrent sans hésiter les voisins belliqueux du royaume de France, dont en tête l’Angleterre, la Navarre et la Bourgogne.

La grande force des Rois maudits est de s’attacher à la peinture psychologique de ces souverains de petite vertu – au sens premier du terme –, tout en narrant l’Histoire en marche vers la guerre de Cent Ans (1137-1453), la première phase du conflit, et les cinglantes défaites de Crécy (1346) et de Poitiers (1356), lors de laquelle Jean II fut fait prisonnier par le Prince Noir. Plusieurs grandes statures historiques émergent de ce panorama vivant : Mahaut d’Artois et Robert d’Artois, dont la lutte pour le contrôle du comté éponyme émaille les deux tiers de l’ouvrage, les amants Roger Mortimer et Isabelle de France, surnommée « la louve de France » et reine d’Angleterre de 1292 à 1358, sans oublier Hélie de Talleyrand, cardinal de Périgord. De leurs paroles et actes émergent les troubles et angoisses d’une époque où les cors de guerre faisaient autant la loi que les missives diplomatiques cachetées en secret. Rehaussées par la plume vive et alerte de Maurice Druon, leurs intrigues n’ont pas fini de ramener nos songes vers ce Moyen Âge épique et ô combien cruel.

 

Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite