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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 13:52

Éditions Perrin, 2004

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Comment avons-nous pu servir un régime aussi horrible que le nazisme ? Telle est en substance la question à laquelle tente de répondre August von Kageneck tout au long d’Examen de conscience. Officier de la Whermacht à 17 ans, en tant que lieutenant de Panzer, il prit part à l’opération Barbarossa et l’invasion de la Russie en 1941. Issu d’une famille de la vieille noblesse allemande, il réinterroge l’histoire et tente d’évaluer la part de responsabilité du peuple allemand dans la mise en branle de la machine de guerre nazie. D’après lui, l’immobilisme des classes sociales conservatrices a joué un grand rôle dans l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler : « J’accuse en effet l’aristocratie allemande et la grande bourgeoisie  d’avoir souhaité ou fini par soutenir l’arrivée du national-socialisme en Allemagne » (p. 166). Une prise de position qui fait écho à la citation du philosophe Edmund Burke : « le mal naît de l’absence du bien ».

 

Mais le plus grave, selon l’auteur, c’est que la Wehrmacht, théoriquement garante de l’indépendance de l’armée envers le pouvoir politique, a au fur et à mesure tacitement accepté les thèses antisémites nazies. Sur le front de l’est, nombreux furent ceux qui furent témoin de massacres, sans réagir, Et von Kageneck de citer la conclusion édifiante d’un jeune médecin militaire : « Je ne doute pas que la révolte devant ces faits est assez générale dans l’armée. Chacun estime odieux que certains profitent de l’héroïsme des soldats du front, pour poursuivre leurs sinistres buts. Mais hélas, ce ne fut pas la flamme de l’humanitas qui jaillit du fond de nos cœurs. Ce poison d’antisémitisme avait déjà fait œuvre de destruction. La corruption morale après sept ans de règne des " autres " avait déjà fait son chemin, même chez ceux qui l’avaient violemment nié dans leur fort intérieur. » (p. 160-161). Adhérant au militarisme outrancier qui régnait en Allemagne, les généraux et le haut commandement de la Wehrmacht cautionnèrent bon gré mal gré les exterminations ethniques qui mirent à feu et à sang l’Europe de l’est. Seuls quelques individus isolés, à l’instar du Generaloberst von Blaskowitz, osèrent élever publiquement la voix, parlant du « poids moral insupportable par la troupe qui assiste à des crimes qu’elle ne comprend pas et qu’elle abhorre, et qui sont d’autant plus grave à ses yeux qu’ils sont perpétrés par des gens portant comme elle, l’uniforme vert-de-gris auquel la notion d’honneur est attachée » (p. 142).

 

De fait, August von Kageneck démystifie l’idée d’une Wehrmacht n’ayant jamais directement participé aux épurations raciales. Mais il l’avoue, il ne s’est jamais lui-même révolté contre ces exactions, grisé par la gloire militaire, prisonnier de l’esprit de corps d’une armée qui finit par lutter contre une défaite que tous savaient pourtant inéluctable. Ainsi se confesse-t-il : « L’immense majorité des combattants de la Russie n’a pas laissé raisonner la voix de la conscience dans son cœur. J’en fus. » (p. 114). Examen de conscience est la tentative courageuse et sincère d’un homme confronté à son propre naufrage moral en temps de guerre. Car un soldat sans conscience n’est que ruine de l’âme.

 


Par Matthieu Roger

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 21:56

Éditions Odile Jacob, 2011

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Longtemps méprisée par une historiographie cherchant sa crédibilité dans un traitement scientifique des données au détriment d'un profitable effort d’imagination, l’uchronie est désormais à la mode. Depuis une douzaine d’année, sous l’impulsion des historiens anglos-saxons, l’histoire contrefactuelle inspire par exemple aussi bien la bande-dessinée que la très sérieuse série What if?. À chaque fois le principe est le même : peindre de manière crédible les scénarios divergents de la petite ou de la grande histoire. Ou pour le dire autrement, « à partir de matériaux fiables, il s’agit de proposer le roman de ce qui aurait pu se passer ». L’histoire potentielle contribue ainsi à éviter une mythologisation du passé, constituant de fait une méthode efficace pour penser l’état et le devenir des sociétés.


C’est munis ce postulat de départ qu’Anthony Rowley, professeur à Sciences-Po, et Fabrice Almeida, ancien directeur de l’Institut d’histoire du temps présent, ont écrit Et si on refaisait l’histoire ?. Ensemble ils présentent aux lecteurs seize chapitres d’histoire alternative, qui abordent l’antiquité, le Moyen-Âge, l’époque moderne, la guerre du Kippour, etc. Si le scénario d’un Ponce Pilate épargnant Jésus s’avère peu plausible, puisqu’escamotant la dimension eschatologique du Christ, si celui d’un Napoléon III prévenant le déclenchement de la guerre de 1870 est dépeint de manière trop brouillonne pour s’avérer pertinente, les autres canevas évènementiels stimulent notre intellect de manière réjouissante. Souvent, les conséquences des bifurcations historiques proposées estomaquent le lecteur. Si la bombe atomique n’avait pas été au rendez-vous en 1945, de nouvelles centaines de milliers de morts se seraient ajoutées au tragique bilan comptable de la Seconde Guerre Mondiale. Si Israël avait été rayé de la carte en 1973, sous les coups de boutoir des armées égyptienne, syrienne et jordanienne, l’État palestinien ne serait peut-être aujourd’hui qu’une simple chimère. Deux exemples parmi tant d’autres possibles…

 

On ne le dira jamais assez, mais l’uchronie est un exercice des plus salutaires.

 

 

Par Matthieu Roger

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 10:51

Éditions Fayard, 2007

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Cet ouvrage est une analyse et une mise en perspective historiques de la révolution russe de février 1917. Soljénitsyne y définit la nature de cette rupture historique, en narre le déroulement, pour ensuite en dégager les causes et le sens. Mais peut-on vraiment utiliser le terme révolution ? L’auteur démontre tout au long de ses réflexions qu’il s’agit en fait plus d’une déliquescence du pouvoir que d’une révolution à proprement parler. Le pouvoir du tsar s’est ainsi évanoui en quelques jours seulement, sous la pression conjointe du mouvement libéral et de l’agitation ouvrière à Petrograd. Et Soljénitsyne de citer Melgounov (journaliste et historien russe du début du XXe siècle) : « Le succès d’une révolution, comme l’a montré toute l’expérience historique, dépend moins de la force de l’explosion que de la faiblesse de la résistance. » Difficile en effet de croire que l’empereur Nicolas II et son frère cadet Alexandrovitch Michel aient accepté d’abdiquer si rapidement, sans opposer de réelle résistance à ce qui n’était, au 1er mars 1917, qu’une rébellion parcellaire et géographiquement très limitée. Soljénitsyne nous explique ici dans quelle mesure les aspirations au changement ont pu balayer si rapidement le régime tsariste, pour être aussitôt rattrapée par l’idéologie soviétique. Victoire présumée d’un réformisme socialo-libéral, la révolution de Février 1917 constitue en fin de compte une simple accélération du temps politique russe, telle une parenthèse qui, en se détournant du l’absolutisme tsariste, annonce presque aussitôt les prémices d’un totalitarisme nouveau. Si Nicolas II n’a jamais su s’entourer de conseillers et de personnes de valeur, le tableau du gouvernement provisoire de février 1917 n’est guère plus reluisant, lui qui réunit politiciens inexpérimentés et opportunistes incompétents. Préoccupés par une guerre qui dure depuis trois ans, les acteurs politiques russes ignorent alors qu’ils seront bientôt touchés par une guerre civile sanglante. Jamais ils n’ont pris en compte les aspirations réelles du peuple, celles de la paysannerie et du prolétariat naissant. Lâché par son haut commandement militaire, le tsar s’est réfugié dans la voie de l’immobilisme, attitude qui sonna le glas de tout espoir de réconciliation nationale.

 

Réflexions sur la révolution de Févrierest un livre qui se démarque par la justesse et la profondeur de son analyse historique. Sa lecture requiert un minimum de connaissances sur la situation de la Russie au début du XXe siècle, si tant est qu’on veuille appréhender pleinement l’analyse de l’auteur.

 

Alexandre Soljénitsyne a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1970.

 

Par Matthieu Roger

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 15:55

Éditions Verdier, 2008

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Léonard et Machiavel est l’histoire de deux hommes qui se croisent et se recroisent, tissant les grands enjeux politiques et artistiques de la seconde moitié du XVe siècle. En adoptant la forme du récit, Patrick Boucheron, historien et professeur à la Sorbonne, choisit de retracer la vie de ces deux grands noms passés à la postérité. D’un côté Léonard de Vinci, inventeur et artiste de génie, étoile filante de nombreux princes-mécènes, en quête perpétuelle d’un entendement quasi-métaphysique de la nature et de la peinture. De l’autre Nicolas Machiavel, qui pose les fondements modernes de la science politique. Dans cet ouvrage l’auteur ne s’attelle pas à une biographie conventionnelle, puisqu’il dépeint les trajectoires de Machiavel et Léonard sous forme d’un récit teinté de fiction. Au fil des pages, il suppute et réunit les indices permettant de corroborer la thèse selon laquelle les deux Italiens auraient été non seulement collaborateurs mais aussi des proches aux influences réciproques. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve leurs traces communes en Romagne et en Toscane, de 1502 à 1504, lorsqu’ils inspectèrent certaines forteresses et projetèrent de faire tomber la cité rebelle de Pise en endiguant le cours de l’Arno.


Patrick Boucheron fait ici travail d’historien, et il constate que trop peu d’éléments, en fin de compte, ne lui permettent d’affirmer avec certitude la connivence  mutuelle qu’il se plaît à conter. Mais comme il le dit lui-même : « sous sa forme romanesque ou théâtrale, la fiction exerce une pression si forte que les digues posées par l’historien risquent de lâcher » (p. 65). Et après tout peu lui chaut, tant la Renaissance recèle de personnages hauts en couleurs. Alors que les petits États et principautés italiennes s’affrontent à coups de condottieres, Machiavel repense l’art de la guerre et Léonard redéfinit les arts. Ils côtoient les luttes de pouvoir et les cavalcades de César Borgia, en spectateurs avertis d’un monde qui se cherche et qu’ils révolutionnent. L’histoire de Léonard et Machiavel est celle d’une période où les batailles se succèdent en permanence pour défaire et remodeler les États, où les peintres sont commandités pour la gloire du prince. Machiavel et Léonard observent ces incertitudes de la gloire à l’aune de cette indépendance d’esprit qui les caractérisera toujours. C’est tombé en disgrâce que le premier rédige Le Prince. C’est avec une fausse désinvolture que le second n’acquitte pas ses contrats. La plume de Patrick Boucheron ressuscite aux yeux du lecteur l’or et la poussière des principats italiens, il nous emmène avec Machiavel dans les coulisses de la chancellerie florentine, il nous raconte un Léonard de Vinci maniant aussi bien le pinceau que le géomètre. En cela ce livre constitue ce que devrait être tout ouvrage d’étude historique, à savoir cette invite au perpétuel voyage vécue si intensément par nos deux protagonistes.

 

Par Matthieu Roger

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 11:09

Éditions Ouest-France, 2009


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L’historien François Bertin a parcouru les collections de la Réunion des Musées Nationaux et a choisi d’en exhumer 111 objets symboliques, afin de ressusciter les évènements importants de l’histoire de France. L’ouvrage présente par exemple, entre autres, le trône royal de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, une arbalète à jet ayant appartenu à Catherine de Médicis, le manuscrit de révocation de l’Édit de Nantes, le registre du procès-verbal du serment du Jeu de paume, la lame géante de la guillotine, l’un des cinq masques mortuaires de Napoléon, le micro de la BBC utilisé par le général de Gaulle lors de l’appel du 18 juin 1940… Mais ces 111 photos ne sont que le prétexte pour aborder chronologiquement les grandes pages de l’Histoire, au fil des dates, des récits et des citations qui viennent les mettre en perspective. Grâce à la multitude d’illustrations et notices proposées, ce livre réussit à nous faire voyager dans le temps. Une page, une date, une image, un fait marquant : une manière certes réductrice mais ludique et sans prétentions de réviser notre histoire nationale.

 

Par Matthieu Roger

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 13:13

Éditions Perrin, 2007

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Le soleil noir de la puissance constitue le deuxième opus, après Les cent jours ou l’esprit de sacrifice publié en 2001, d’une trilogie que l’ancien Premier Ministre français Dominique de Villepin consacre depuis plusieurs années à Napoléon Ier. Dans cet ouvrage remarquablement écrit et au style enlevé, l’auteur aborde la période glorieuse de Napoléon Bonaparte, celle qui s’étend de 1796, date à laquelle remporte la campagne d’Italie, à 1807, année des victoires de Friedland et Wagram, qui confirment son hégémonie militaire sur l’Europe continentale.

Loin de se poser en hagiographe de l’Empereur, malgré l’admiration profonde qui transparaît au fil des pages pour un destin si exceptionnel, Dominique de Villepin s’attache ici à observer ce qui préfigurait déjà, durant la période d’ascension irrésistible de Napoléon, sa chute et celle de l’Empire français. Pour lui deux erreurs géostratégiques majeures ont été commises par Napoléon. Premièrement, c’est sa volonté d’appliquer un blocus continental envers l’Angleterre, décision décrétée en 1806 et de fait inapplicable étant donné l’étendue de l’espace géographique concerné. La deuxième grande erreur de Napoléon est l’hérédité conférée au nouveau régime impérial en 1804, à laquelle s’est ajoutée l’imposition de ses frères et sœurs à la tête de différents royaumes (Westphalie, Hollande, Naples, Espagne, etc.). Cette satellisation de l’Europe ne pouvait que logiquement déboucher que sur une soif de revanche inextinguible de la part des autres monarques, peu enclins à voir les concepts révolutionnaires défendus par la France bousculer l’ordre social et politique de leurs royaumes respectifs. La thèse qu’avance Dominique de Villepin est celle d’une utopie napoléonienne. Par la démesure de ses ambitions et par une suite d’erreurs politico-stratégiques flagrantes que ne pouvait éternellement compenser son génie militaire, Napoléon Bonaparte était dès le début condamné à voir échouer ses visées impériales et continentales. On se trouve là au cœur du problème existentiel du Ier Empire, à savoir le dessein napoléonien fondamentalement schizophrène de poursuivre la Révolution de 1789 tout en la parachevant par la mise en place d’un système despotique.


Le soleil noir de la puissance, grâce à son propos sans concessions, mais sans évacuer la puissance de vue et d’action de Napoléon, participe de fort belle manière au renouvellement de la littérature qui lui est consacrée depuis deux siècles. Une espèce de portrait de Dorian Gray de l’Aigle de Sainte-Hélène, en quelque sorte.

 

Par Matthieu Roger

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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 15:14

Éditions Mille et une nuits, 2003


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L’Histoire de Rome de Pierre Grimal est l’ouvrage d’introduction à la civilisation romaine par excellence. En 150 pages, celui qui fut membre de l’École française de Rome et membre de l’Institut nous narre ce que fut réellement la société antique romaine, ses légendes et ses hauts faits. Il nous conte avec malice le village des premiers temps, la ville nouvelle sur laquelle régna les rois, son expansion en Italie, sa découverte des réseaux méditerranéens, tout en tentant de saisir l’âme de ce peuple qui domina pendant si longtemps l’occident. Mais le chemin fut pavé d’obstacles jusqu’à l’imposition de la pax romana à tout le pourtour méditerranéen, en témoignent les longues et épuisantes guerres puniques contre la Carthage d’Hamilcar et d’Hannibal, ainsi que les complots politiques incessants qui marquèrent l’histoire de la Ville. La fin de la République, lors de l’accession au pouvoir d’Octave Auguste, marqua le début l’Empire. Cette période, sans doute la plus connue du grand public, est celle d’une fonctionnarisation de la société et de l’expansion maximale de l’hégémonie romaine. De la Bretagne (l’Angleterre d’aujourd’hui) aux frontières syriennes, c’est Rome qui décide de la destinée des provinces et des communautés placées sous son autorité. La Rome des Césars, grâce à ses nombreuses légions, veille à la défense des frontières, offrant par la même occasion aux provinces de l’empire une prospérité inédite. Ce que montre bien Pierre Grimal,  c’est que la société romaine, au-delà de ses dissensions politiques internes, a toujours fait montre d’une capacité d’assimilation au-dessus de la moyenne. C’est sa faculté à étendre toujours plus encore le nombre de ses cités vassales, tout en leur conservant les droits fondamentaux de la citoyenneté romaine, qui contribua à la longévité de Rome en tant que cité souveraine. L’histoire de cette cité, rythmée par les guerres et les révolutions de palais, montre comment une simple ville, à force de volontarisme politique, a su s’imposer au reste du monde. Le syncrétisme religieux et philosophique dont firent continuellement preuve les Romains leur permirent d’appréhender les contrées nouvellement conquises pour mieux les soumettre. Ainsi le droit régalien romain a-t-il su continuellement s’adapter aux soubresauts politiques du monde méditerranéen. La marche de la république à l’empire – l’âge d’or des arts et des lettres – a, de fait, constitué l’apprentissage d’une stratégie de diplomatie uniquement axée sur les intérêts propres de la Ville. Le pouvoir impérial, en mettant au pas le Sénat et les revendications de la plèbe, forme dès 27 av. J.-C. un nouvel État dans l’État, engageant un processus dynamique qui possède ses propres logiques, paradoxales, de consolidation et de fragmentation de la société. Avec le style clair et alerte qui le caractérise, Pierre Grimal nous offre avec ce livre, sous le format d’une brillante synthèse historique, le panorama d’une des plus impressionnantes épopées de l’Histoire. Cette Histoire de Rome, qui met en scène une myriade de personnages illustres, se lit et se savoure comme un roman.

 

À ceux qui seraient tentés par une étude plus approfondie de la civilisation romaine, je conseille la lecture de La civilisation romaine (éditions Arthaud, 1984), autre ouvrage très exhaustif écrit par le même auteur.

 


Par Matthieu Roger

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 17:21

Éditions Ramsay, 1982

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Dans ce livre Pierre Crépon examine le rapport historique entre la guerre et les grandes religions du monde. Pour cela il étudie successivement les guerres de Yahvé dans la religion d’Israël, l’eschatologie juive et le pacifisme chrétien, l’apparition du christianisme belliqueux, le Jihad en terre d’Islam, les mythiques et conflits dans les sociétés traditionnelles, les sacralisations mythologiques de la guerre, la guerre sacrée chez les Aztèques, l’hindouisme et la spiritualisation de la guerre, et enfin la pacification de l’esprit par le bouddhisme. Un programme ambitieux donc, qui a pour objet de montrer comment le religieux s’est emparé au fil des siècles de la question militaire, et comment son prisme idéologique a dû continuellement s’adapter aux contingences du pouvoir temporel. La première partie de l’ouvrage est très intéressante, dans la mesure où le message des grandes religions monothéistes est analysé à l’aune des différents contextes historiques. L’auteur nuance constamment son propos, sans jamais verser dans la complaisance ou, à l’inverse, dans la dénonciation d’un pseudo obscurantisme religieux. Il montre bien que le christianisme est la première grande religion à prôner la non-violence, même si certains dirigeants de l’Église n’hésiteront pas à appeler à la guerre sainte. De même,  il dénonce l’acception du Jihad comme « guerre sainte », alors que ce terme signifie littéralement « effort sur le chemin de Dieu ». Ainsi la grande majorité des musulmans modernes considèrent-ils que l’expansion de l’Islam doit se faire par la persuasion, et non par la levée des armes. Pierre Crépon tourne ensuite son regard vers les panthéons cosmogoniques des religions primitives, ce qui lui permet de dégager plusieurs points communs en ce qui concerne les mythes de la création chez les religions polythéistes. La civilisation aztèque, à cause de son interprétation cyclique du temps, procède à une sacralisation de la guerre. C’est pourquoi, vers 1450, se voit instaurée la coutume qui peut nous sembler barbare de la Xochiyaoyotl, la « guerre fleurie » : des guerres sont régulièrement organisées pour permettre la capture des prisonniers promis aux sacrifices humains qui contenteront les dieux. Ici la question stratégique est complètement évacuée au profit de la seule dimension rituelle et religieuse.

 

Les deux derniers chapitres traitant de l’hindouisme et du bouddhisme m’ont cependant laissé sur ma faim. L’auteur semble oublier l’impératif de mise en perspective historique pour livrer une simple présentation des thématiques abordées par ces deux grands courants religieux asiatiques. Cette initiation aux philosophies hindouiste et bouddhiste délaisse trop la relation avec le fait militaire pour pouvoir s’inscrire de manière pertinente avec les trois premiers quarts de l’ouvrage, comme ci ces deux derniers chapitres étaient de trop. C’est dommage, car l’entreprise de l’auteur offrait jusqu’à présent une mise en perspective intelligente de la guerre comme interprétation à la fois idéologique et pragmatique des croyances religieuses.

 

Par Matthieu Roger

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 16:28

Éditions Jean-Claude Lattès, 2010


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J’ai trouvé cet ouvrage des plus jouissifs. Il recense en effet les plus mauvais et les plus pitoyables des personnages de l’histoire de France. Prenant le contrepied de l’Histoire glorieuse d’une France généralement chauvine, Clémentine Portier-Kaltenbach, journaliste et historienne, dépeint pour nous une galerie d’individus plus hallucinants les uns que les autres. On hésite souvent entre les pleurs ou les éclats rires : d’un côté ces « Zhéros » furent responsables de la mort ou du malheur des hommes placés sous leur autorité, de l’autre tant de lâcheté et d’incompétence atteint un registre burlesque qui mérite de passer à la postérité. Mais que faut-il avoir accompli de si lamentable pour prétendre décrocher le statut tant convoité de « Zhéro de l’histoire de France » ? L’auteur établit pour ceci quatre catégories distinctes : les hommes que le peuple crut un temps providentiels mais qui trahirent tous les espoirs placés en eux (Henri V, Boulanger), ceux dont l’incompétence n’eut d’égale que l’importance des catastrophes qu’ils déclenchèrent (Kerguelen, Soubise, Chaumareys, Jules Favre, ainsi que Medina Sidonia, le chef de l’ « Invincible » Armada, le seul étranger admis dans ce palmarès,), les responsables de grandes défaites militaires (Villeneuve, Grouchy, de Grasse, Bazaine), les aigris et les jaloux, ceux qui s’obstinèrent à nuire à de grands génies littéraires (Desfontaisnes, Fréron, Suard, Lemercier).


Tout autour d’eux gravite une tripotée de seconds couteaux tous aussi pathétiques, que je ne connaissais pas : Émile Ollivier, le général Lebœuf, Chevandier de Valdrome, le général Valdran, Daniel Wilson, de Machault d’Arnouville, Eugène Étienne… Sans oublier bien sûr la dynastie sanguinaire des Mérovingiens, les fous à lier – j’adresse ici une mention spéciale au maréchal d’Empire Junot, qui lors d’un bal à Raguse se présenta entièrement nu, vêtu de ses seules décorations –, les « pas si nuls que ça » et les Zhéros recalés pour circonstances atténuantes.

Au-delà de ces récits de vie rocambolesques et tragiques, Grands Zhéros de l’Histoire de France est une manière amusante de réviser son histoire de France. Les bourdes de nos grands Zhéros nationaux m’ont ainsi permis de revivre certains épisodes injustement oubliés, tels la Guerre de Sept ans ou la dispute des terres et colonies d’outre-mer entre la France et l’Angleterre. Ces fiascos à gogo réjouiront aussi bien les passionnés d’histoire que les lecteurs curieux et friands d’anecdotes croustillantes.

 

 

Par Matthieu Roger

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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 14:17

Éditions Fayard/Tallandier, 1982


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Dans Les Hommes de la Croisade, Régine Pernoud revient sur ces hommes qui vécurent aux XIe, XIIe et XIIIe siècles les aventures des croisades en Palestine. Elle analyse la dynamique mentale extraordinaire qui conduisit des rois, des pauvres, des barons, des chevaliers, des clercs, des marchands à se rendre ensemble en Palestine. Le but déclaré est de reprendre Jérusalem aux hérétiques Sarrazins, pour une faire une véritable base chrétienne au Proche-Orient. Habités par une ferveur religieuse authentique, incarnée par la figure charismatique de Pierre l’Ermite, chevaliers et hommes de l’occident, que l’on appelle alors les Francs, débarquent ainsi à l’autre bout de la Méditerranée et fondent le royaume de Jérusalem et autres comté de Tripoli, principauté d’Antioche, comté d’Édesse ou royaume de Petite Arménie, autant de territoires qui étendent le champ d’influence de la chrétienté à l’est d’un empire byzantin en complète déliquescence. Pendant deux siècles les croisés tentent de coloniser ces territoires hostiles tout en organisant sa défense au moyen d’un réseau étendu de forteresses, dont la plus fameuse est sans doute le Krak des Chevaliers, construit à l’ouest de la Syrie et inscrit depuis 2006 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. En face d’eux se dresse le monde arabo-musulman, avec ses logiques idéologiques et géostratégiques souvent - bien que non systématiquement - opposées. Utilisée aujourd’hui à tort et à travers, la notion de « choc des civilisations » prend à cette époque tout son sens. La découverte de l’inconnu et de l’étranger, éprouvée aussi bien  par les croisés que les Sarrazins, s’écrit malheureusement à la couleur du sang versé au cours d’affrontements aussi meurtriers que récurrents. Les conditions climatiques sont souvent extrêmes, et ne font qu’ajouter à l’horreur des batailles qui s’égrènent : prise de Jérusalem en 1099, bataille de Dorylée en 1147, bataille de Hattin en 1187, bataille de Damiette en 1250, siège de Saint-Jean-d’Acre en 1291… Mais revenir uniquement sur le choc des sabres et des épées serait occulter la cohabitation somme toute paisible - au regard des circonstances inédites - avec les autochtones palestiniens, qui prévalut pendant deux siècles. Une cohabitation parfois source des rencontres les plus inattendues, telle cette entrevue entre saint François d’Assise et le sultan égyptien Melek Al Kamil, en 1219, débouchant sur l’obtention d’un sauf-conduit pour les Franciscains en Terre Sainte.

Régine Pernoud détaille dans cet ouvrage l’organisation de la conquête en Terre Sainte, sans en exclure l’aspect socio-culturel. Cette démarche anthropologique donne du crédit à la reconstitution historique qu’elle déploie sous nos yeux, puisqu’elle permet d’appréhender les conquêtes militaires à l’aune des considérations spirituelles de l’époque. Synthèse d’un « esprit de conquête » qui ne peut être saisi pleinement sans prendre en compte les intérêts féodaux des royaumes occidentaux, Les Hommes de la Croisade réussit pleinement à retranscrire l’alliance du mystique et du politique dont étaient habités les croisés.

 

 

Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite