Éditions Julliard, 2006

Avec La domination du monde Denis Robert, à qui l'on doit notamment plusieurs films documentaires et de multiples enquêtes politico-financières à Libération, s'attaque au système financier international en dénonçant ses fonctionnements et prises illégales d'intérêts. Ce qui s'avère original, c'est qu'il opère ici sous forme de roman, utilisant la fiction comme révélateur ultime. Il réussit à embarquer le lecteur dans une course-poursuite haletante. Haletante et des plus immersives, puisque l'on comprend vite que le narrateur du récit est fait l'auteur lui-même, en proie à ses propres doutes mais convaincu de la nécessité d'investigation afin de contrer le capitalisme et la financiarisation tous puissants. Marchant dans les pas de son ami Yvan Klébert, lequel entend dévoiler dans un livre à paraître le coeur des malversations financières couvertes au plus haut niveau par la Shark Company, il se trouve confronté aux réseaux tentaculaires du blanchiment d'argent à très grande échelle. Le défi qu'ils s'apprêtent à relever donne le vertige : "Même si personne n'est là pour la voir, sa vie est un grand film. Il va faire sauter la banque des banques." (p. 204).
Ce roman publié il y a déjà une dizaine d'années par Denis Robert est un véritable coup de poing. Une fois la dernière page refermée, on ne peut qu'être abasourdi et dégoûté par l'ampleur de l'escroquerie internationale qui nous gouverne aujourd'hui. Appel salutaire à l'insurrection tant individuelle que collective, La domination du monde dresse un constat implacable qui nous concerne tous : "La très grande bourgeoisie initiée, connectée, oligarchique, transnationale est de plus en plus riche. Le Lumpen laborieux, sans le sou, sédentaire, déconnecté grossit de plus en plus tout au bas de l'échelle. Au milieu, une masse informe de veaux finalement incultes, indisciplinés et de plus en plus pauvre s'invente une pseudo-hiérarchie. Ces dominés n'ont pas conscience de leur état et du vol organisé par les dominants. Les outils de propagande et d'asservissement très développés mis en place par les dominants anesthésient toute velléité émancipatrice chez les dominés." (p. 265) À bon entendeur salut !
Par Matthieu Roger