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4 janvier 2019 5 04 /01 /janvier /2019 16:36

Éditions Julliard, 2006

 

 

Avec La domination du monde Denis Robert, à qui l'on doit notamment plusieurs films documentaires et de multiples enquêtes politico-financières à Libération, s'attaque au système financier international en dénonçant ses fonctionnements et prises illégales d'intérêts. Ce qui s'avère original, c'est qu'il opère ici sous forme de roman, utilisant la fiction comme révélateur ultime. Il réussit à embarquer le lecteur dans une course-poursuite haletante. Haletante et des plus immersives, puisque l'on comprend vite que le narrateur du récit est fait l'auteur lui-même, en proie à ses propres doutes mais convaincu de la nécessité d'investigation afin de contrer le capitalisme et la financiarisation tous puissants. Marchant dans les pas de son ami Yvan Klébert, lequel entend dévoiler dans un livre à paraître le coeur des malversations financières couvertes au plus haut niveau par la Shark Company, il se trouve confronté aux réseaux tentaculaires du blanchiment d'argent à très grande échelle. Le défi qu'ils s'apprêtent à relever donne le vertige : "Même si personne n'est là pour la voir, sa vie est un grand film. Il va faire sauter la banque des banques." (p. 204).

 

Ce roman publié il y a déjà une dizaine d'années par Denis Robert est un véritable coup de poing. Une fois la dernière page refermée, on ne peut qu'être abasourdi et dégoûté par l'ampleur de l'escroquerie internationale qui nous gouverne aujourd'hui. Appel salutaire à l'insurrection tant individuelle que collective, La domination du monde dresse un constat implacable qui nous concerne tous : "La très grande bourgeoisie initiée, connectée, oligarchique, transnationale est de plus en plus riche. Le Lumpen laborieux, sans le sou, sédentaire, déconnecté grossit de plus en plus tout au bas de l'échelle. Au milieu, une masse informe de veaux finalement incultes, indisciplinés et de plus en plus pauvre s'invente une pseudo-hiérarchie. Ces dominés n'ont pas conscience de leur état et du vol organisé par les dominants. Les outils de propagande et d'asservissement très développés mis en place par les dominants anesthésient toute velléité émancipatrice chez les dominés." (p. 265) À bon entendeur salut !

 

 

Par Matthieu Roger

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4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 19:00

Mensuel édité par la SA Le Monde Diplomatique

 

 

Nous ne mesurons sans doute pas assez notre chance de pouvoir parcourir chaque mois un journal aussi engagé et pertinent que Le Monde Diplomatique, qui s’avère être d’ailleurs le journal français aujourd’hui le plus diffusé dans le monde. Sous la direction éditoriale de Serge Halimi, Le Monde Diplo – pour les intimes – poursuit année après année sa mission d’information publique, dans une veine anticapitaliste et anti-impérialiste assumée et fort bienvenue. Une lecture plus que recommandable en cette période estivale !

 

Dans ce numéro d’août 2018, plusieurs articles de grande qualité ont retenu notre attention. Deux d’entre eux jettent un éclairage clairvoyant sur les Etats-Unis de ce début du XXIe siècle. Avec « Anatomie d’une colère de droite » (p. 3), la sociologue Arlie Hochschild détaille de manière extrêmement lucide les raisons qui ont permis à Donald Trump de séduire l’électorat populaire, en rentrant dans le cerveau social et politique d’un "Américain moyen". Cette brillante analyse est à mettre en regard de l’enquête passionnante menée par Julien Brygo sur le monde des chauffeurs routiers américains, intitulée « Le routier américain, une icône en voie de disparition » (p. 4-5). Il y montre bien le paradoxe d’une omniprésence croissante des nouvelles technologies, avec en ligne de mire la généralisation des véhicules autonomes sans chauffeur, face aux conditions de travail et de salariat de plus en plus éreintantes, contraignantes et surveillées. On retiendra également l’article d’Alain Vicky sur le Swaziland (p. 13), pays jamais médiatisé mais constituant « La dernière monarchie absolue d’Afrique » avec à sa tête Mswati III, monarque ayant érigé le népotisme au rang de science absolue, ainsi que le questionnement du mythe du transhumanisme par Charles Perragin et Guillaume Renouard (p. 20), membres du Collectif Singulier, collectif de journalistes défendant la vision d’un journalisme indépendant. Enfin, Gabriel Galice propose en fin de numéro un bref focus sur « Qu’est-ce que la guerre juste ? » (p. 26), réinterrogeant les grandes notions du droit international et les interprétations diverses qui en sont faites par différents analystes occidentaux.

 

 

Par Matthieu Roger

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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 14:21

Éditions du Seuil, 2005

la condition urbaine cover

 

À travers cet ouvrage Olivier Mongin présente les mutations que l’espace urbain subit depuis deux siècles. En s’appuyant sur le cas typique des mégalopoles, il développe ainsi une appréhension globale de l’interaction entre espace public et espace privé. L’émergence de villes-monde comme Tokyo indique, selon lui, une prédominance de plus en plus tangible des flux au détriment des lieux. Le réseau tentaculaire que forment les grandes villes de notre planète réinterroge alors de fait notre conception du « vivre ensemble ».

Il me semble que la question que se pose continuellement Olivier Mongin est la suivante : qu’avons-nous à perdre et à gagner en nous immergeant dans les flux à tendance immatérielle de la mondialisation ? Une question à laquelle il tente de répondre en dressant une comparaison subtile entre les villes moyennes de la « Vieille Europe », où subsiste encore par petites touches architecturales un certain idéal de la cité, et les agrégats urbains extensibles du tiers monde (Lagos, Le Caire…). Là où l’analyse de l’auteur pèche, c’est qu’à force de vouloir nous convaincre de la multiplicité des mutations urbaines all over the world celui-ci s’égare souvent dans des redites ou des extrapolations argumentatives. Le propos tenu aurait sans aucun doute gagné en clarté à se montrer plus concis et étayé par un plus grand nombre d’exemples.

Il n’en reste pas moins que La condition urbaine, de par son approche transdisciplinaire et globale, fournit au lecteur d’intéressantes pistes de réflexion sur l’espace dans lequel il évolue au quotidien ainsi que sur le modèle de société auquel il aspire véritablement. Perdus dans la masse – voire la nasse – des flux de la métropolisation mondiale, nous devons impérativement redéfinir, tant à l’échelle locale qu’internationale, une nouvelle articulation de l’espace privé et de l’espace public. Entre l’hégémonie du « post-urbain » et le chaos des bidonvilles, c’est pour un juste milieu urbanistique et architectural que nous devons dès à présent militer.

 

Intellectuel pluridisciplinaire, Olivier Mongin est l’actuel directeur de la revue Esprit. Auteur d’une douzaine d’ouvrages personnels, il a également dirigé la publication de livres tels que Un monde désenchanté ? (1988) et Kosovo, un drame annoncé (1999).

 

 

Par Matthieu Roger

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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 03:03

Éditions La Martinière, 2004

cover-gruzinski.jpg

 

 

Archiviste-paléographe et docteur en histoire, Serge Gruzinski livre dans Les quatre parties du monde une enquête impressionnante de par la profondeur des champs d’explorations et la diversité des éléments recueillis. L’auteur revient ici sur la proto-mondialisation qui eut lieu eu XVIe siècle lors de l’apogée de la Monarchie catholique espagnole. Il étudie l’éclatement des échanges et la multiplication des voies de communication, qui permettent dès la seconde partie du XVIe siècle une mobilité pouvant paraître aujourd’hui aussi précoce que déconcertante. Le lecteur peut ainsi suivre aussi bien l’avancée des Jésuites en Amazonie ou en Chine que l’installation des mercenaires portugais sur les côtes africaines ou indiennes, dans un contexte d’occidentalisation des « nouveaux mondes » et de globalisation des modes de pensée, d’écriture et de régulation sociale. La Double Couronne exporte ses lettrés, ses hommes d’Église et ses artistes en Nouvelle-Espagne, enclenchant de fortes dynamiques locales de métissage et d’acculturation, dynamiques que l’on retrouve un peu partout dans le monde au fur et à mesure de l’avancée des caravelles espagnoles, portugaises ou hollandaises. De nouveaux rapports de force s’instaurent tout autour du globe, confrontant les Européens à un brassage des êtres inédit, à une interconnexion des territoires civilisés, prémices de la mondialisation actuelle. Le talent de Serge Gruzinski s’exprime à travers des récits de vie qui nous font prendre conscience d’une internationalisation des savoirs et des cultures. Des explorateurs s’enfoncent dans des continents inconnus et compilent de façon admirable des sommes astronomiques de nouvelles connaissances, des marins effectuent au cours de leur vie cinq ou six fois le tour du monde, des moines franciscains, augustins ou jésuites tentent, parfois au péril de leur vie comme au Japon, d’évangéliser les autres peuples, certains peintres exportent le courant maniériste dans les nouvelles colonies, les navigateurs relient grâce au commerce l’Europe, l’Amérique, l’Afrique et l’Asie, etc.

Dans Les quatre parties du monde, Serge Gruzinski arrive à dépeindre de façon magistrale le décentrement des savoirs, l’inversion des points de vue et les remises en cause des traditions européennes. L’organisation militaire, institutionnelle et politique des terres de la Monarchie catholique, dont l’apogée se situe entre 1580 et 1630, révèle les visées universalistes de Philippe II. Processus de mondialisation et processus de globalisation s’entrechoquent pour laisser le lecteur devant un monde en ébullition, témoin d’un premier choc des civilisations. Je en saurais trop recommander la lecture de ce livre passionnant, rehaussé par les Éditions de La Martinière d’une centaine d’illustrations plus sublimes les unes que les autres.


 

Par Matthieu Roger

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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 02:48

Éditions Raisons d’Agir, 2001

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On ne présente plus Pierre Bourdieu, le célèbre sociologue français qui s’est éteint récemment en 2002. Rappelons tout de même que sa pensée sociologique s’articule autour de l’idée que tout rapport social procède d’un rapport de violence, plus ou moins latente, et est sous-tendu par une relation de dominant/dominé.

 

Cet ouvrage est en fait le second opus d’une compilation de textes que Pierre Bourdieu a rédigés à l’orée des années 2000 à l’occasion de ses différentes conférences données à l’étranger.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Contre-feux ne fait pas dans la dentelle : Pierre Bourdieu livre ici un véritable réquisitoire contre le processus de globalisation, le capitalisme et l’ultralibéralisme ambiants. Sa thèse est simple voire binaire : le fonctionnement actuel de l’économie globale asservit la plus grande partie de la population dans un rapport de domination qui s’effectue et s’aggrave de jour en jour au profit des quelques dirigeants des plus grosses institutions financières internationales, comme l’OMC par exemple. D’où son idée de fonder, pour aller à l’encontre de cette violence économique et sociale, un mouvement social européen institutionnalisé, qui serait capable de lutter à armes égales avec les conglomérats de la grande finance spéculative. Pour ce faire, il propose de coordonner les différents organismes syndicaux européens en une internationale du syndicalisme rénové, et d’associer, toujours au niveau européen, chercheurs et militants syndicats pour établir une doctrine alternative au capitalisme. Cet appel à un nouvel internationalisme ne comporte pas qu’un volet économique ou social, mais appréhende également les dangers qui selon lui guette les différentes cultures nationales. L’ennemi à combattre est la standardisation culturelle véhiculée par l’impérialisme américain. C’est pourquoi les chercheurs, et notamment les sociologues, doivent avoir pour mission de détecter les processus de déculturation. C’est seulement si chaque citoyen devient conscient de son oppression économique, sociale et culturelle qu’une nouvelle gouvernance internationale sera possible. Une nouvelle gouvernance qui selon Pierre Bourdieu doit redonner à l’Etat sa capacité régulatrice et aux peuples de nouvelles marges de manœuvres réflexives.

 

Si Contre-feux a parfois le don d’agacer le lecteur par certains procédés d’argumentation pour le moins caricaturaux, il n’en demeure pas moins que sa nature parfaitement assumé de pamphlet socio-économique soulève de nombreuses questions cruciales en ce qui concerne le futur de l’humanité. Là où Pierre Bourdieu se montre le plus convaincant, c’est lorsqu’il défend la diversité culturelle. C’est ce dernier concept qui deviendra peut-être la pierre d’angle du renouveau social appelé de tous ses vœux par l’auteur.

 


                                                                Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite