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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 13:46

Librairie Alphonse Lemerre, fin XIXe

 

 

Alphonse Lemerre était un éditeur de la seconde moitié du XIXe siècle qui s’attacha particulièrement à la promotion et à la diffusion des œuvres des poètes parnassiens. Ce n’est donc pas une surprise de le voir publier les écrits de François Coppée, dans le sillage des plus illustres chef de file du Parnasse que sont Leconte de Lisle et José-Maria de Heredia. Malheureusement disparu de la mémoire commune, il faut aujourd’hui remettre la main sur des éditions anciennes telles que celle que je vous présente aujourd’hui pour pouvoir redécouvrir la poésie de François Coppée. Cet aristocrate né en 1842 et décédé en 1908 a beaucoup écrit sur les plus humbles, les petites gens, les invisibles, ce qui lui vaut le surnom de « poète des Humbles » selon son préfacier Jean Monval. Son œuvre poétique, que l’on retrouve ici rassemblée en trois volumes, s’articule ainsi selon des thématiques auxquelles il ne dérogera jamais : un humanisme universaliste affirmé, le sentiment religieux et le patriotisme. Telle était la Sainte-Trinité de ce poète paternaliste, catholique et nationaliste, filiation somme toute assez représentative de la bourgeoisie française de son époque.

 

Ses poésies laissent avant tout apparaître un homme sensible, simple, au verbe délicat, amoureux de Paris et conscient du combat déséquilibré induit par la lutte des classes. Maniant aussi bien l’alexandrin que le décasyllabe ou l’octosyllabe, il n’a de cesse de mettre en exergue la condition sociale dramatique des plus pauvres, sans renier le lyrisme des muses et amours impossibles. D’un point de vue stylistique, ses différents cahiers poétiques sont de très bonne facture : à l’évidence François Coppée maîtrisait son art. Mais de ces multiples recueils, qui témoignent d’une plume prolixe, ce sont les poèmes composant les Récits épiques qui se dégagent en premiers. Dans la veine d’un Hugo ou Heredia, certains sont même de petits bijoux ciselant les siècles passés, à l’image du Pharaon et La Tête de la Sultane, dont voici respectivement deux extraits :

 

(…)

Rêve aussi colossal que tu pourras rêver,

Fils des dieux ! et, pour toi, nous ferons soulever

Des milliers de blocs lourds par des millions d’hommes.

Ô pharaon tout est à toi dans les vingt nomes,

Le soldat casque d’or, le prêtre circoncis,

Le scribe l’artisan à son travail assis,

Ceux de tous les métiers et de toutes les castes ;

Et jamais tes désirs ne seront assez vastes.

Parle, ordonne, commande ; et nous obéirons.

(…)

 

(…)

Sur un large divan mollement étendu

Et coiffé d’un turban d’où jaillit son aigrette,

Mahomet le reçoit dans la chambre secrète

Où fument les parfums sur quatre pieds d’or.

Voluptueux et veule, il laisse errer encor

Son indolente main sur la guzla d’Épire ;

Et celle qui commande au maître de l’empire

Et cause contre lui tant de rébellion,

Presque nue à ses pieds sur la peau d’un lion,

De ses longs cheveux noirs voile ses formes blanches.

(…)

 

 

 

 

Par Matthieu Roger

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 15:51

"Aujourd’hui, nous pouvons reprendre le dehors. Des carcasses masquées, errantes, aux corps ankylosés. Squatter les nuits. Nous ne pourrons peut-être pas encore coller nos chairs, nous fondre dans la peau de l'autre. Mais nous reprendrons possession de nos jours et de nos nuits. 

Rester dans la danse. Ne pas s'arrêter. Danse, dansez jusqu'à l'aube. Mais après ? Oui, après. Garder les yeux ouverts."

Marie Chapron

 

 

Textes : Claire Longuet & Marie Chapron

Post-production : Claire Longuet

Son : Marie Chapron

Musique additionnelle : "I wanna be adored", Stone Roses

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14 avril 2020 2 14 /04 /avril /2020 16:08
"Au milieu du chaos mondial, même confinées quelques voix s'entremêlent. Plus rien maîtriser, alors autant maîtriser nos propres voix. Elles dessinent et pressentent un nouvel univers. Déjà commencé depuis quelques semaines. Des fleurs poussent dans nos nuits poétiques. Je me perds. Peu importe. Dans la nuit tous les combats sont permis."
Claire Longuet
Voix et textes : Journal de confinement de Marie Chapron, De Pierre et de Sang de Matthieu Roger (in Centuries, 2109, éd. Chloé des Lys)
Extraits sonores : Roma d'Alfonso Cuarón
Guitare : François Marteel
Réalisation : Claire Longuet

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29 mars 2020 7 29 /03 /mars /2020 13:47

Le Cherche Midi éditeur, 1982

 

 

Drôle de gageure que celle de rassembler les « cent plus beaux sonnets de la langue française » en un seul volume. Tâche quasi impossible serait-on même tenté de dire, tellement la littérature française a donné et donne encore à l’art poétique. Dans cet ouvrage publié en 1982 aux éditions du Cherche Midi, Marie Letourneur tente de relever le défi, en divisant le livre en deux parties distinctes. La première regroupe une sélection de cent poèmes, présentés chronologiquement et censés être représentatifs des plus beaux traitements de cette forme très codifiée que constitue le sonnet. De Clément Marot au XVIsiècle jusqu’à Raymond Queneau au XXe, Marie Letourneur nous propose ici sa sélection personnelle, où l’on retrouve en bonne place les plus grands noms, tels Nerval, Baudelaire ou Hérédia, mais aussi des poètes aujourd’hui injustement oubliés, à l’image de Claude de Malleville (1597-1647), Charles Cros (1842-1888) ou encore Claudius Popelin (1825-1892). Si certains choix de Marie Letourneur sont discutables, le lecteur prend plaisir à parcourir ces poèmes aux univers ciselés, fortement empreints des thèmes romantiques.

 

De plus, dans la seconde partie de cette anthologie, une petite trentaine de poèmes sont regroupés, qui illustrent l’évolution stylistique du sonnet à travers les âges, et les débats littéraires qui s’ensuivirent. Nulle possibilité en effet, si ce n’est la licence poétique dont s’arrogent certains, d’échapper à la construction formelle en deux quatrains suivis de deux tercets. Mais le sonnet peut aussi constituer une arme de premier choix lorsqu’il se mue en pamphlet, diatribe, satire ou brocard. À titre d’exemple, comme le rappelle Marie Letourneur dans sa préface, « la polémique que suscite les œuvres de Benserade et de Voiture est sans doute l’épisode le plus marquant de l’Histoire de la Préciosité. Jobelins et Uranistes s’affrontent. Balzac se fera rapporteur et Corneille consigne l’événement ». Je ne peux m’empêcher de conclure cette courte chronique en vous livrant un poème d’Auguste Brizeux publié en 1874 qui, tout en modifiant la forme consacrée avec une composition renversée de deux tercets précédant deux quatrains, rend un hommage appuyé à la rythmique sonnettiste :

 

Les rimeurs ont posé le sonnet sur la pointe,

Le sonnet qui s’aiguise et finit en tercet :

Au solide quatrain la part faible est mal jointe.

 

Je voudrais commencer par où l’on finissait.

Tercet, svelte, élancé, dans ta grâce idéale,

Parais donc le premier, forme pyramidale !

 

Au-dessus les quatrains, graves, majestueux

Liés par le ciment de la rime jumelle,

Fièrement assoiront leur base solennelle,

Leur socle de granit, leurs degrés somptueux.

 

Ainsi le monument s’élève harmonieux,

Plus de base effrayante à l’œil qui chancelle :

La base est large et sûre et l’aiguille étincelle,

La pyramide aura sa pointe dans les cieux

 

 

 

Par Matthieu Roger

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 21:35

Série discrète, 2015

 

Quelques notes, quelque phrases, quelques mots. Le Bordelais Vincent Lafaille, ancien libraire et responsable des éditions série discrète, livre dans cet opuscule les pensées qui le taraudent. Des pensées livrées à la volée mais jamais gratuites, qui proposent une nouvelle géographie de l'espace. Au détour de ses chantiers, de ses déplacements et de ses marches personnelles, il invoque une "géographie qui s'invente puis disparaît" de manière incessante. Une géographie extrêmement poétique, qui nous laisse pensif et nous incite à nous abandonner à de nouveaux tempi, à "occuper l'espace à faible allure" afin d'en saisir les "proximités inattendues". Pour enfin "s'éloigner du sujet" et "malgré tout bifurquer", envers et contre tous. Ainsi S'éloigner du sujet nous propose-t-il d'embrasser sans attendre nos propres espaces de liberté. Un propos nécessaire et hautement revivifiant, qui "avance en formes irrégulières" pour notre plus grande délectation.

 

 

Par Matthieu Roger

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4 mars 2019 1 04 /03 /mars /2019 18:06

Éditions Gallimard, 1949

 

 

 

Grâce soit rendue à André Gide lorsqu'il publia en 1949 cette Anthologie de la poésie française. L'auteur des Nourritures terrestres (1897) et des Faux-monnayeurs (1925) relevait alors un ambitieux défi : rassembler en un seul volume les joyaux intemporels de la poésie française. Proposant une sélection issues de soixante-huit auteurs, André Gide s'en va glaner vers et rimes sur plus de sept siècles, de Ruteboeuf au XIIIe siècle jusqu'à Guillaume Apollinaire au début du XXe. Il assume dès sa préface le choix très personnel de ces centaines de poèmes connus ou méconnus, affirmant que "si le recueil que voici marque sa préférence pour ce que la poésie française offre exceptionnellement de plus musical, il ne se fera pas faute de présenter aussi les exemples les plus parfaits de maîtrise verbale et de suasion oratoire où les Français ont de tous temps excellé" (page 12). Au vu de la place qu'il leur accorde au sein de sa compilation, les quatre favoris de Gide sont clairement identifiables : Pierre de Ronsard, Victor Hugo, Charles Baudelaire et Paul Verlaine. On ne saurait lui donner tort, surtout pour Baudelaire et Hugo. On regretta seulement le peu de place faite aux femmes, si ce n'est Louise Labé et Marceline Desbordes-Valmore, ainsi que la place restreinte accordée à des génies tels que Leconte de Lisle et José-Maria de Heredia. Mais c'est là chicaner face à la richesse lyrique de cette anthologie. J'ai ainsi pu relire avec délectation les vers de Charles d'Orléans, de Gérard de Nerval, d'Alfred de Musset ou encore Théophile Gautier, et j'ai même pris un grand plaisir à découvrir certains poètes talentueux aujourd'hui tombés dans l'oubli, à l'instar de Théodore de Banville ou de Henri de Régnier. Ce dernier écrivit par exemple des "poèmes anciens et romanesques" qui ne manquent pas d'un certain panache, dont celui-ci :

 

Ils ont heurté les portes d'or

Du pommeau rude de leurs glaives

Et leurs lèvres étaient encor

Amères de l'embrun des grèves.

 

Ils entrèrent comme des rois

En la ville où la torche fume

Au trot sonnant des palefrois

Dont la crinière est une écume.

 

On les reçut en des palais

Et des jardins où les dallages

Sont des saphirs et des galets

Comme on en trouve sur les plages ;

 

On les abreuva de vin clair,

De louanges et de merveilles ;

Et l'écho grave de la mer

Bourdonnait seul à leurs oreilles.

 

 

Par Matthieu Roger

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27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 10:39

Éditions Gallimard, 1994

 

 

 

Leconte de Lisle, dont nous avions déjà chroniqué les Poèmes barbares sur ce site, nous offre avec ses Poèmes Antiques un autre petit bijou de la poésie française. Ici l'érudition se veut au service du style, afin d'évoquer les puissances tutélaires et les mirages de la nature. Comme le disait lui-même Leconte de Lisle, auquel Victor Hugo portait d'ailleurs une admiration sincère, "la poésie est trois fois générée : par l'intelligence, par la passion, par la rêverie". Trois états d'esprit utilisés pour ressusciter les légendes indiennes et l'époque hellénistique. L'auteur y réussit fort bien, maniant aussi bien les méandres religieux des hymnes védiques que le conte des épopées antiques.

 

Le poème Çunacépa offre par exemple quelques moments suspendus absolument sublimes :

 

"Et de ses beaux bras nus elle fit doucement

Un tiède collier d'ambre au cou de son amant,

Inquiète, cherchant à deviner sa peine,

Et posant au hasard sa bouche sur la sienne.

Lui, devant tant de grâce et d'amour hésitant,

Se taisait, le frond sombre et le coeur palpitant."

 

La Grèce antique n'est elle aussi pas en reste quant à la puissance d'invocation qui caractérise l'écriture de Leconte de Lisle, notamment dans Niobé :

 

"Dans sa robe de pourpre, immobile et songeur,

Il suit auprès des Dieux son esprit voyageur ;

Il règne, il chante, il rêve. Il est heureux et sage."

 

Pour reprendre notre propos liminaire, on voit bien que la rêverie, qui parcourt toute l'oeuvre de l'auteur, ne fait que répondre au désir légitime qui entraîne vers le mystérieux et l'inconnu. Avec à son service l'intelligence et la passion, cette rêverie parcourt ce recueil en long, en large et en travers, et n'a de cesse de narrer les aventures extraordinaires des héros de jadis.

 

 

Par Matthieu Roger

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31 juillet 2017 1 31 /07 /juillet /2017 18:08

Éditions Gallimard, 1983

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) fait partie de ces poètes injustement oubliés par la postérité. Celle que Victor Hugo qualifiait de "reine du monde des sentiments" et qu'Aragon distinguait comme "l'un des plus grands poètes de tous les temps" n'est en effet plus connue aujourd'hui que par certains férus de poésie classique. État de fait regrettable, tant la poésie de Marceline Desbordes-Valmore exhale de puissance mélancolique. La poétesse, dont l'écriture n'est sans doute pas travaillée à l'égal des génies du style et des allitérations en tous genres - c'est en alexandrins que sa plume brille le plus, manie cependant mieux que quiconque l'évocation des amours contrariées, de la religiosité, de la figure maternelle et d'un romantisme quasi mystique de la nature et des sentiments. Sans naïveté, mais avec une sorte de quiétude dolente, ses poèmes peignent avec talent la souffrance des états d'âmes qui regrettent et étire le temps. La jeune fille et le ramier (page 182), redécouvert en son temps par Baudelaire, est à ce titre des plus saisissants de cette mélancolie sourde, latente, résignée :

 

Les rumeurs du jardin disent qu'il va pleuvoir ;

Tout tressaille, averti de la prochaine ondée ;

Et toi qui ne lis plus, sur ton livre accoudée,

Plains-tu l'absent aimé qui ne pourra te voir ?

 

La-bas, pliant son aile et mouillé sous l'ombrage,

Banni de l'horizon qu'il n'atteint que des yeux,

Appelant sa compagne et regardant les cieux,

Un ramier, comme toi, soupire de l'orage.

 

Laissez pleuvoir, ô coeurs solitaires et doux !

Sous l'orage qui passe il renaît tant de choses.

Le soleil sans la pluie ouvrirait-il les roses ?

Amants, vous attendez, de quoi vous plaignez-vous ?

 

 

 

Par Matthieu Roger

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30 mars 2017 4 30 /03 /mars /2017 14:44

Éditions Chloé des Lys, 2016

 

Mon ami Simon Baert m'a un jour fait l'honneur de me commander la préface de ce Retour aux muses ! et je l'en remercie pour cela. Dès lors, que dire ici de plus que je n’aie déjà indiqué au sein de mon propos liminaire ? Peut-être commencer par dire qu'avec ce recueil de poèmes Simon Baert remet le sonnet au goût du jour, en réinventant l'Histoire avec un grand H tout autant qu'il conte les tranches de vie de notre quotidien. L'humour n'est jamais très loin de pointer le bout de son nez, mais ce qu'on remarque avant tout c'est la qualité d'écriture propre à l'auteur, lequel charrie le lecteur dans des tourbillons d'alexandrins fort bien troussés, aux titres pour le moins évocateurs : "Immersion onirique", "Lancinante narcose", "Vagabondages"... L’amour, les femmes, les muses apparaissent et réapparaissent au fil des rimes comme le fil rouge de cette rêverie ininterrompue, au cours de laquelle l'amour se confronte souvent au dilemme et à la mélancolie. Parsemé de références à La Pléiade, dont Ronsard et Joachim du Bellay furent au XVIe siècle les chantres, la poésie de Simon Baert n'admet aucune concession à la médiocrité ou aux sentiments effacés. Et pour plagier Lily Casier en conclusion de sa postface, militons pour que "cette parenthèse de poésie profite à d'autres comme elle m'a profité" : c'est tout le mal que je souhaite à ce Retour aux muses ! qui régale à foison.

 

 

Par Matthieu Roger

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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 14:42

Éditions Points, 2013

 

Rhapsode, chanteur, ou encore anarchiste, Léo Ferré s'est imposé comme un passionné des mots dans la lignée des intemporels Brassens, Gainsbourg, Brel ou Ferrat. À travers sa plume, sa prose demeurera comme une arme de révolte, de provocation, d'insoumission, mais aussi d'amour. Dans Poète... Vos papiers !, unique recueil de poésies qu'il écrivit, il milite une fois encore pour la liberté : la sienne et celle des rhétoriqueurs à déstructurer règles et pieds !

Abhorrant les formalités, l'ordre établi, l'académisme, les instances politiques et religieuses étouffant l'être humain dans un individualisme qui le dépersonnalise pour mieux pouvoir monter les uns contre les autres et s'assurer des positions sociales privilégiées, il conte, le temps de 80 poèmes, ceux que l'on ne voit pas, ceux qui empruntent des chemins parallèles aux grands axes, ceux qui sont au ban de la société, ceux que l'on croise sans jamais les regarder dans les yeux pour oublier que leur situation reflète notre échec, mais surtout l'institution poétique qui dicte les codes, établissant ou défaisant ce qu'est la poésie.

Ses mots, il ne les chuchote pas, il les crache, plein de hargne, hurlant avec violence son indépendance à l'encontre de ceux qu'il considère enlisés dans une condition confortable.

Spontané, plus d'une fois victime de la censure et souvent scandaleux, il se plaisait à clamer que « Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s’ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes : ce sont des dactylographes. » ou encore que « L’alexandrin est un moule à pieds. On n’admet pas qu’il soit mal chaussé, traînant dans la rue les semelles ajourées de musique. ».

C'est donc loin de toute école poétique qu'il a choisi de tracer sa route, semant ses vers jusqu'à l'ivresse à coups d'argot, de lyrisme, de langage vulgarisé mais toujours maîtrisé, vantant sa singularité, le verbe haut et la plume polissonne.

 

S'il est incontestable que l'auteur domine son sujet, pour un inconditionnel du sonnet classique chérissant l'alexandrin et les rimes embrassées plutôt que la versification sans réelle structure, la prose de Léo Ferré est plus attrayante sur le fond que sur la forme. L'absence de rythme lui fait perdre de sa mélodie et rend la lecture quelquefois difficile à ceux qui ont un métronome dans la tête.

Préférant de loin l'écouter déclamer ses vers en musique, je referme bien vite ce livre pour ressortir son 33 tours du même nom, dont une sélection de titres habitent cet ouvrage.

 

 

 

Par KanKr

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite