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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 21:08

Éditions Gallimard, 1981

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La poésie française compte selon moi quatre chefs-d’œuvre ultimes : Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, La Légende des siècles de Victor Hugo, les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, et Les Trophées de José-Maria de Heredia. Les trois derniers cités se distinguent par une poésie au souffle épique que je trouve pour ma part éblouissant. Il n’est donc pas étonnant qu’Anny Detalle, dans sa préface des Trophées, parle ainsi de Heredia : « les années 1850 à 1870 nous laissent l’image d’un artiste hésitant entre Leconte de Lisle, son maître reconnu, Hugo, dont la phrase épique sous-tend Les Conquérants de l’Or, et Baudelaire, dont l’influence inavouée pèse plus lourdement qu’il ne voudrait l’admettre ». Membre emblématique du Parnasse, Heredia est un génie de la poésie qui rappelle Baudelaire, Hugo et Leconte de Lisle, et qui parfois même les dépasse par la beauté de son verbe.

 

Il m’est personnellement difficile de dresser une critique objective des Trophées, tant l’émotion affleure au détour des rythmiques de la rime. Ce recueil de poème est constitué d’une centaine de sonnets, ainsi de quelques formes poétiques plus libres et plus longues, telles Romancero et Les Conquérants de l’Or. Si La Légende des siècles de Victor Hugo entend traduire une histoire universelle du monde, la portée historique des Trophées est plus modeste, se découpant en sept parties intrinsèquement différentes : La Grèce et la Sicile, Rome et les Barbares, Le Moyen Âge et la Renaissance, L’Orient et les Tropiques, La Nature et le Rêve, Romancero, et Les Conquérants de l’Or. Le style de Heredia est fluide, très travaillé – il n’hésitait pas à reprendre et réécrire un poème plusieurs dizaines de fois – et se caractérise par un intérêt marqué pour les descriptions de paysages et les chutes spectaculaires. Pour exemple, citons celle de Soir de bataille (p. 102) :

 

« C’est alors qu’apparut, tout hérissé de flèches,

Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,

Sous la pourpre flottante et l’airain rutilant,

 

Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,

Superbe, maîtrisant son cheval qui s’effare,

Sur le ciel enflammé, l’Imperator sanglant. »

 

Que c’est beau !

 

Heredia aime également confronter l’homme, qu’il soit illustre ou non, à la portée héroïque de son destin :

 

« Rougissant le ciel noir de flamboîments lugubres,

À l’horizon, brûlaient les villages Insubres ;

On entendait au loin barrir un éléphant

 

Et là-bas, sous le pont, adossé contre une arche,

Hannibal écoutait, pensif et triomphant,

Le piétinement sourd des légions en marche. » (La Trebbia, p. 98)

 

Ou bien encore, pour reprendre l’exorde d’un des poèmes les plus connus de l’auteur (Les Conquérants, p. 135) :

 

 « Comme un vol de gerfauts hors du chantier natal,

Fatigués de porter leurs misères hautaines,

De Palos de Moguer, routiers et capitaines

Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

 

Ils allaient conquérir le fabuleux métal

Que Cipango Mûrit dans ses mines lointaines,

Et les vents alizés inclinaient leurs antennes

Aux bords mystérieux du monde Occidental. »

 

Le talent parle de lui-même. Cet ouvrage se lit avec délectation.

 

Par Matthieu Roger

 

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 10:54

Éditions Nimrod, 2009

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À l’image du  Bravo Two Zero écrit par Andy McNab, Fallouja est livre choc, qui ne peut laisser insensible. Il s’agit du témoignage de David Bellavia, sergent-chef dans l’infanterie américaine, qui nous raconte son vécu de la campagne en Irak, et plus particulièrement sa participation à l’attaque sur Fallouja, en novembre 2004.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur ne prend pas gants avec la réalité. À aucun moment il ne cherche à masquer les atrocités de la guerre. Il livre au lecteur ses états d’âme, sans fioritures ni arrière-pensées. Son propos est cru, hyperréaliste, s’abreuvant de l’action et de la guerre. David Bellavia nous narre ainsi ses angoisses, ses psychoses, ses peurs les plus profondes. Car la bataille de Fallouja n’est pas une bataille comme les autres. Comme indiqué sur la couverture de l’ouvrage, on peut en effet la considérer comme « la plus grande bataille urbaine et insurrectionnelle du XXIe siècle ». Les GIs et les Marines américains, parés du meilleur armement et des dernières technologies de combat, y affrontèrent quelques milliers de djihadistes islamistes fanatiques ayant transformé la ville en une immense forteresse et dédale de pièges en tous genres. Au détour des ruelles et des portes enfoncées le traqueur devient traqué, dans un jeu mortel où la pitié n’a jamais sa place. À travers les propos de Bellavia on saisit mieux la haine qui habite les deux camps. D’un côté les soldats américains, qui n’ont comme seule envie que celle d’en découdre et de tuer le plus de « terroristes » possibles. De l’autre les combattants islamistes, qui exècrent ces « chiens d’Américains » venus leur apprendre la démocratie  à coups de canons. Lors d’un premier combat, à Diyala, le 9 avril 2004, nous sommes témoins de la vitesse à laquelle la guérilla urbaine peut se muer en véritable chasse à l’homme. Je cite : « Nous fonçons à travers des portails, le doigt sur la détente, les cibles s’affalant chaque fois que nous faisons usage de nos armes. Les miliciens de l’armée du Mahdi courent de carrefour en carrefour, mais nous sommes rapides et bons tireurs. Nous les assommons sans leur donner la moindre chance de pouvoir se relever. Nos Bradley avancent, les salves meurtrières de leurs Bushmaster frappant les bâtiments alentour. Et pourtant, les miliciens refusent d’abandonner le combat. » (p. 30-31). On sent même parfois la fascination de ces guerriers – car il faut bien les appeler comme cela – devant la puissance du feu, fascination qui se rapproche parfois d’une esthétisation de la guerre aux relents nauséabonds : « Les Bradley se mettent en mouvement et leur Bushmaster entrent dans la danse. Les insurgés planqués dans l’entrepôt sont sur le point de recevoir une leçon sur la puissance de feu américaine. C’est impressionnant. Les 240 déchiquètent la façade du bâtiment. Les obus de 25 mm trouent les murs et balancent du shrapnel à l’intérieur. Avec nos balles traçantes, nous dessinons dans le ciel obscur des motifs de dentelle, formant ce qui pourrait ressembler à un spectacle de son et lumière. » (p. 237). Ces témoignages directs d’une violence exacerbée sont vraiment choquants, sans parler de ce combat dans le noir, à mains nues, que livre à un moment Ballavia contre un islamiste : quelques pages où l’auteur nous confronte à la mort, à l’instinct de survie animal et bestial d’un ultime corps à corps. À la fois paroxysmique et éprouvant.

 

Fallouja est une apologie de l’esprit de corps, de la fraternité des hommes au combat. Une apologie certes, mais sincère, de l’ordre du vécu et du ressenti, celui qui ne peut se contester. Là où l’auteur excelle, c’est lorsqu’il veut nous faire toucher du doigt l’amour qu’il porte à ses hommes, combien il est important, à ses yeux, de sa battre pour et avec eux. Mettant en avant les horreurs de la guerre, l’expérience la plus bouleversante qu’un homme puisse subir, il n’en exclut pas moins la jouissance des shoots d’adrénaline l’arme au point. Il narre la guerre, la vraie, celle des pleurs, du sang, des blessures physiques et psychiques. La guerre, celle qui glaire, qui fiente, qui pue, qui ravage les corps et les âmes.

 

Par Matthieu Roger

 

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 02:28

Éditions Flammarion, 2008

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Tout le monde connaît la guerre du Péloponnèse de nom, mais peu savent quels en furent vraiment les enjeux et les acteurs. Victor Davis Hanson, spécialiste de l’Antiquité, historien militaire et professeur émérite à l’Université d’État de Californie, s’attache dans cet ouvrage à retracer l’itinéraire chaotique de vingt-sept années de guerre civile autour des cités de Sparte et d’Athènes. S’absolvant de l’impératif chronologique couramment usité, il convoque tout à tour les différents agents stratégiques du conflit : le feu, la peste, la terreur, les hoplites, les sièges, la cavalerie, les navires, les mentalités, etc. Les dates, l’enchaînement des sièges et des batailles n’interviennent qu’en toile de fond d’une synthèse globale de l’histoire militaire du Ve siècle av. J.-C. qui s’appuie sur les écrits de l’époque, et notamment sur ceux de l’historien Thucydide. La guerre du Péloponnèse raconte ainsi comment la guerre navale prit inexorablement le dessus sur les batailles rangées opposant les phalanges d’hoplites. Dépassée par de nouvelles techniques de combats protéiformes (sièges, coups de mains, raids de cavalerie, massacres de civils et de prisonniers), ce que l’auteur appelle « la logique hoplite » n’en fut pas mois « transmise aux légions romaines, survécut dans les colonnes italiennes, suisses et espagnole du Moyen Âge et les tercios des lanciers, avant d’arriver jusqu’à l’époque des armes à feu, avec la maîtrise par les Européens de l’exercice militaire et du feu de volée » (p. 182). Lutte fratricide, l’affrontement entre Sparte, Athènes et leur myriade d’alliés respectifs marque un dérèglement de ce que certains nommèrent rétrospectivement « l’âge d’or de la Grèce ». Car cette guerre, non contente de mettre à bas les murailles du Pirée et d’assujettir Sparte à l’argent perse, se résume en grande partie à une série d’actes barbares, de massacres de civils et militaires : en 431 les Platéens exécutent tous leurs otages thébains, en 430 les Péloponnésiens jettent par-dessus bord tous les Athéniens capturés, en 427 les Athéniens exécutent mille Mytiléniens, en 424 les oligarques  exécutent leurs opposants démocrates, en 423 Mendè est mise à sac et Mélos détruite en 416, en 413 des écoliers sont massacrés à Mycalesse, etc. (p. 246-247). Et je ne fais que citer quelques dates de la longue liste établie par l’auteur… Victor Davis Hanson n’a cesse de rappeler, de chapitre en chapitre, dans quelle mesure ce conflit ébranla le monde hellénique et panhéllenique. Par l’étendue des moyens et des forces engagées, la guerre du Péloponnèse est peut-être tout simplement le premier exemple de guerre totale de l’Histoire.

 

Après Le jour des barbares d’Alessandro Barebro (cf. ma critique sur ce livre), les éditions Flammarion nous proposent une nouvelle fois un ouvrage d’histoire militaire d’excellente facture. Les notes, le glossaire et la liste des personnages situés en fin de livre permettront à ceux qui le désirent d’aller plus avant dans la compréhension de cet affrontement dantesque.

 

Par Matthieu Roger

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 15:55

Éditions Verdier, 2008

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Léonard et Machiavel est l’histoire de deux hommes qui se croisent et se recroisent, tissant les grands enjeux politiques et artistiques de la seconde moitié du XVe siècle. En adoptant la forme du récit, Patrick Boucheron, historien et professeur à la Sorbonne, choisit de retracer la vie de ces deux grands noms passés à la postérité. D’un côté Léonard de Vinci, inventeur et artiste de génie, étoile filante de nombreux princes-mécènes, en quête perpétuelle d’un entendement quasi-métaphysique de la nature et de la peinture. De l’autre Nicolas Machiavel, qui pose les fondements modernes de la science politique. Dans cet ouvrage l’auteur ne s’attelle pas à une biographie conventionnelle, puisqu’il dépeint les trajectoires de Machiavel et Léonard sous forme d’un récit teinté de fiction. Au fil des pages, il suppute et réunit les indices permettant de corroborer la thèse selon laquelle les deux Italiens auraient été non seulement collaborateurs mais aussi des proches aux influences réciproques. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve leurs traces communes en Romagne et en Toscane, de 1502 à 1504, lorsqu’ils inspectèrent certaines forteresses et projetèrent de faire tomber la cité rebelle de Pise en endiguant le cours de l’Arno.


Patrick Boucheron fait ici travail d’historien, et il constate que trop peu d’éléments, en fin de compte, ne lui permettent d’affirmer avec certitude la connivence  mutuelle qu’il se plaît à conter. Mais comme il le dit lui-même : « sous sa forme romanesque ou théâtrale, la fiction exerce une pression si forte que les digues posées par l’historien risquent de lâcher » (p. 65). Et après tout peu lui chaut, tant la Renaissance recèle de personnages hauts en couleurs. Alors que les petits États et principautés italiennes s’affrontent à coups de condottieres, Machiavel repense l’art de la guerre et Léonard redéfinit les arts. Ils côtoient les luttes de pouvoir et les cavalcades de César Borgia, en spectateurs avertis d’un monde qui se cherche et qu’ils révolutionnent. L’histoire de Léonard et Machiavel est celle d’une période où les batailles se succèdent en permanence pour défaire et remodeler les États, où les peintres sont commandités pour la gloire du prince. Machiavel et Léonard observent ces incertitudes de la gloire à l’aune de cette indépendance d’esprit qui les caractérisera toujours. C’est tombé en disgrâce que le premier rédige Le Prince. C’est avec une fausse désinvolture que le second n’acquitte pas ses contrats. La plume de Patrick Boucheron ressuscite aux yeux du lecteur l’or et la poussière des principats italiens, il nous emmène avec Machiavel dans les coulisses de la chancellerie florentine, il nous raconte un Léonard de Vinci maniant aussi bien le pinceau que le géomètre. En cela ce livre constitue ce que devrait être tout ouvrage d’étude historique, à savoir cette invite au perpétuel voyage vécue si intensément par nos deux protagonistes.

 

Par Matthieu Roger

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 16:27

LEDUC.S Éditions, 2010

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L’Américain Robert Greene propose avec cet ouvrage un panorama exhaustif de toutes les grandes stratégies militaires. Fondant sa synthèse sur cinq grands types de psychologies militaires – la guerre contre soi-même, la guerre en équipe, la guerre défensive, la guerre offensive, la guerre non conventionnelle – il dégage ainsi ce qu’il nomme « les 33 lois de la guerre », trente-trois principes que tout chef doit absolument prendre en considération quant à ses préparatifs ou opérations militaires. Ces trente-trois axiomes font chacun l’objet d’un chapitre particulier, toujours structuré de la même manière : un très bref résumé liminaire, plusieurs exemples historiques mis en perspectives par des citations et interprétés par l’auteur, un court propos imagé (on retrouve ici la même démarche que dans Les 36 Stratagèmes, recueil déjà présenté sur ce blog), un argument d’autorité emprunté à un grand stratège, et enfin un paragraphe qui vient « a contrario » nuancer la portée universelle de la loi stratégique énoncée.


Le plus intéressant dans cette démarche à la fois analytique et synthétique, c’est que Robert Greene emprunte à toutes les époques et à tous les penseurs, se référant, entre autres, aussi bien la Guerre de Sécession qu’à la guerre du Vietnam ou qu’aux guerres helléniques, convoquant des autorités aussi diverses que Napoléon Ier, Sun Tse, Jules César, Hannibal, etc. De même, il tire certains enseignements militaires de domaines autres que la seule polémologie. Ainsi il emprunte  au cinéma (Hitchcock), à la boxe (Mohammed Ali), à la politique (Roosevelt), à la diplomatie (de Gaulle), à la peinture (Dalí), etc. Ce fourmillement de références, toujours utilisées à bon escient, captive et met en lumière l’importance de la psychologie militaire. Là où l’auteur se montre moins convaincant, c’est lorsqu’il extrapole ses axiomes militaires pour aborder la psychologie quotidienne du tout à chacun. Sa tendance à diverger vers le coaching personnel rappelle trop l’auteur de Power, les 48 lois du pouvoir et de L’Art de la séduction, et n’apportent rien à son analyse polémologique. Quoi qu’il en soit, Stratégie – Les 33 lois de la guerre constitue une mine d’informations pour quiconque voudrait se pencher plus en avant sur les arcanes de l’art de la guerre. C’est un ouvrage épais dont on peut lire un ou deux chapitres, pour ensuite le poser puis le reprendre, chaque loi étant en soit un petit traité historico-militaire.

 

En guise de conclusion, j’aimerais reprendre une citation de William Slim que l’auteur utilise pour illustrer la stratégie de la guérilla psychologique (p. 23-24). Elle décrit avec justesse les états d’âme qui peuvent à tout moment traverser l’esprit du chef de guerre : « À tel moment, songera-t-il, je me suis trompé ; à tel autre, j’ai écouté mes peurs alors que j’aurais dû être courageux ; là, j’aurais dû attendre pour me regrouper, au lieu de frapper étourdiment ; à tel moment, j’ai omis de saisir l’opportunité qui se présentait à moi." Il se rappellera les soldats qu’il a lancés dans un assaut qui a échoué, et qui ne sont pas revenus. Il se rappellera le regard de ces hommes qui lui faisaient confiance. "Je les ai trahis, se dira-t-il, et j’ai trahi mon pays !" Et il se verra tel qu’il est : un général battu. À l’heure sombre, il se rongera de questions sur la vraie nature de l’homme et du commandement. » (in. Defeat into Victory, première publication en 1959)

 

Par Matthieu Roger

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 18:19

Éditions Akileos, 2011

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On prend les mêmes et on recommence ! Après Block 109 et Étoile rouge, Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat nous offrent un nouvel album qui ne déçoit pas. On y retrouve ce coup de crayon énergique et ce goût pour l’uchronie qui font de leur binôme un des plus doués de la bande dessinée actuelle. Cette fois-ci l’histoire prend place en février 1947, au Congo, alors que les Nazis contrôlent plus des trois-quarts du continent africain. Une bande de prisonniers de droit commun est envoyée par la SS d’Heydrich afin d’éradiquer un groupuscule de résistants locaux emmenés par le général Leclerc. Les deux protagonistes d’Opération Soleil de plomb sont les deux officiers allemands chargés d’encadrer cette « task force » pas comme les autres. À travers la jungle congolaise, ils poursuivent un ennemi insaisissables, et pour cause…


Tout se savoure dans ce nouvel album. Les dessins sont magnifiques, et certaines planches m’ont parfois rappelé les couleurs intenses du film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Le choix du papier glacé permet d’ailleurs de rehausser ces superbes coloris. Le scénario est plus riche que dans Étoile rouge : les personnages ne sont pas manichéens, plusieurs excellents rebondissements viennent rythmer le récit, et les thèmes du racisme, de l’indigénat et la haine apparaissent en filigrane. Quant à la mise en perspective historique, elle ne peut qu’enthousiasmer les passionnés d’histoire militaire. Le contexte uchronique imaginé par les deux auteurs est tragique, puisqu’il confronte l’humanité à l’hégémonie nazie et aux exactions de ses sicaires. Rappelons le postulat de départ : Hitler est assassiné en 1941 et l’utilisation de l’arme atomique par les Nazis leur a permis de prendre le contrôle de toute l’Europe et de l’Afrique. On retrouve dans Opération Soleil de plomb la lutte de pouvoir interne qui constitue la trame de Block 109, opposant les SS d’Heydrich à l’Ordre teutonique dirigé par Zytek.

 

Bravo à Vincent Burgeas et Ronan Toulhoat pour cette nouvelle réussite graphique, qui mêle intelligemment histoire et suspens narratif ! En guise d’amuse-bouche, vous pouvez admirer quelques planches de l’album ICI.

 


Par Matthieu Roger

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 18:18

Éditions Economica, 1997

cover malplaquet

 

 

À l’automne 1709, la situation militaire de la France n’est guère brillante. Affaiblies par une Guerre de Succession d’Espagne qui traîne en longueur depuis déjà huit ans, les armées de Louis XIV enregistrent en effet depuis 1704 une série de défaite qui menace les frontières du royaume. Les plus notables sont celles de Höchstädt, Turin, Ramillies, Oudenaarde, auxquelles viennent s’ajouter les récentes pertes des places-fortes de Lille et de Tournai. On comprend alors pourquoi André Corvisier  (professeur émérite à la Sorbonne et président d’honneur de la Commission Internationale d’Histoire Militaire) a choisi pour cet ouvrage le sous-titre éloquent d’« effondrement de la France évité ». Car si elle ne fut pas une victoire, la bataille de Malplaquet, en voyant à son terme les troupes royales retraiter en bon ordre après avoir infligé des pertes deux fois supérieurs à l’ennemi, redonne confiance aux Français et redore leur blason en gloire et en prestige.


En 1709, Malplaquet n’est rien d’autre qu’une trouée coincée entre deux bois et située sur la route qui se dirige vers Mons. Commandée par les maréchaux de Villars et de Boufflers, l’armée française établit une position défensive, derrière des retranchements qui courent d’un bois à l’autre, sur un terrain bocager, forestier et morcelé. Mis en confiance par leurs succès, le prince Eugène et le duc de Malborough, les deux chefs militaires de l’alliance de La Haye (Angleterre, Provinces-Unies, Empire allemand), n’hésitent cependant pas à passer à l’offensive. S’ensuit une des batailles les plus meurtrières du XVIIIe siècle, où le placement de l’artillerie et les capacités manœuvrières des bataillons d’infanterie jouent un rôle déterminant. Plusieurs heures de combats furieux sur les ailes permettent finalement au prince Eugène de percer le centre français. Après plusieurs contre-attaques aussi vaines que violentes, Boufflers, auquel Villars a passé le commandement en chef après sa blessure, fait retraiter ses troupes qui s’exécutent avec une parfaite maîtrise. André Corvisier n’a donc pas tort quand il parle de « défaite glorieuse », puisqu’elle permet à Louis XIV, sur le plan stratégique, de ne pas s’avouer vaincu et de prolonger la guerre. Les coalisés perdent à cette occasion 20.000 hommes, tribu extrêmement élevé pour l’époque, alors que les Français n’ont à déplorer « que » 10.000 hommes mis hors d’état de combattre. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, cette « bataille d’arrêt » comme la qualifie Jean-Pierre Le Flem, met en exergue le courage et la vaillance retrouvés de troupes françaises pourtant aux abois. En cela Malplaquet mérite bien une place d’honneur dans l’Histoire nationale.

 

La bataille de Malplaquet 1709,par l’exhaustivité de ses descriptions, est un livre à réserver aux aficionados de stratégie militaire. Mais, cela étant dit, on ne peut reprocher à André Corvisier un manque de pédagogie, puisque toute une partie de l’ouvrage est consacrée à l’exposition  du contexte politique et économique de la guerre. Les lecteurs qui manquent de temps trouveront un excellent chapitre consacré à Malplaquet dans Batailles d’Hervé Drévillon (déjà chroniqué sur ce blog), voire un descriptif plus sommaire mais tout aussi intéressant de cette bataille dans le Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l’histoire de France (également chroniqué sur ce blog).

 

Par Matthieu Roger

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 11:09

Éditions Ouest-France, 2009


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L’historien François Bertin a parcouru les collections de la Réunion des Musées Nationaux et a choisi d’en exhumer 111 objets symboliques, afin de ressusciter les évènements importants de l’histoire de France. L’ouvrage présente par exemple, entre autres, le trône royal de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, une arbalète à jet ayant appartenu à Catherine de Médicis, le manuscrit de révocation de l’Édit de Nantes, le registre du procès-verbal du serment du Jeu de paume, la lame géante de la guillotine, l’un des cinq masques mortuaires de Napoléon, le micro de la BBC utilisé par le général de Gaulle lors de l’appel du 18 juin 1940… Mais ces 111 photos ne sont que le prétexte pour aborder chronologiquement les grandes pages de l’Histoire, au fil des dates, des récits et des citations qui viennent les mettre en perspective. Grâce à la multitude d’illustrations et notices proposées, ce livre réussit à nous faire voyager dans le temps. Une page, une date, une image, un fait marquant : une manière certes réductrice mais ludique et sans prétentions de réviser notre histoire nationale.

 

Par Matthieu Roger

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 17:01

Éditions Flammarion, 2010

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Andrinople est une bataille injustement méconnue car elle marque le début de la fin de l’empire romain, divisé depuis peu en deux grandes zones géopolitiques dirigées chacune par un empereur : l’empire d’Occident et l’empire d’Orient. Le 9 août 378, elle vit s’opposer les légions de l’empereur romain d’Orient, Valens, aux troupes de Goths ayant franchi le Danube et mettant à feu et à sang la province de Thrace. Non seulement les Goths menés par Frigitern l’emportèrent, mais l’infanterie et la cavalerie romaine furent décimée, et Valens périt sur le champ de bataille.

 

Dans Le jour des barbares, Alessandro Barbero, historien et romancier italien, développe le contexte militaire et politique de l’empire avant et après cette bataille décisive. Le fait est que l’empire romain, au IVe siècle, est loin de l’état de déliquescence véhiculée par nos images d’Épinal. Centré sur la Méditerranée, il s’étend de la Bretagne (l’actuelle Angleterre) jusqu’au Tigre, de la Mer Noire jusqu’à la pointe de Gibraltar, de Trèves jusqu’à Alexandrie. Les légions romaines, si elles ont abandonné l’idée de s’emparer de la Germanie depuis le désastre de Teutoburg, font régner l’ordre sur les marches de l’empire. Cependant, garantir les frontières d’un tel empire coûte cher en hommes, et l’armée romaine s’avère être de plus en plus dépendante du recrutement de contingents de barbares. Ces derniers, Germains, Goths, Francs, Alamans ou Arabes, une fois enrôlés dans l’armée, ne tardent d’ailleurs pas à se romaniser, parlent latin, grec, et se convertissent au christianisme. Cet état de fait met en exergue l’utilisation accrue, par le pouvoir impérial des masses d’immigrants venues des marches frontalières, main-d’œuvre bon marché et docile. Cette assimilation des masses dites barbares est pratiquée depuis de nombreuses décennies et est enregistrée dans le droit romain. La guerre déclenchée en Thrace par les Goths trouve son origine dans l’urgence humanitaire des populations barbares qui, pressées au nord par les coups de boutoir des raids huns, réclament aux autorités romains ce qu’on appellerait aujourd’hui « l’asile politique ». Celui-ci leur est accordé en 376, ce qui permet à des milliers de Goths de trouver refuge en Thrace. La cohabitation avec ces hordes d’immigrés débouchera rapidement sur des effusions de sang, puis sur la bataille des Saules, à l’issue indécise, et sur celle d’Andrinople, véritable désastre militaire.

 

Le jour des barbares est un ouvrage passionnant, qui met en relief les enjeux stratégiques de survie d’un empire. Dans un style vivant et très pédagogique, Alessandro Barbero nous montre comment la première tâche du pouvoir impérial devint peu à peu la gestion des flux de l’immigration barbare. Ironie du sort, c’est un général romain d’origine barbare, Alaric qui, en 410, mit Rome à sac et sonna en quelque sorte le glas de l’empire romain d’Occident.

Du même auteur je vous recommande vivement la lecture de Waterloo (éditions Flammarion, 2005), brillant récit de la bataille qui mit fin au rêve napoléonien.

 


Par Matthieu Roger

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 13:13

Éditions Perrin, 2007

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Le soleil noir de la puissance constitue le deuxième opus, après Les cent jours ou l’esprit de sacrifice publié en 2001, d’une trilogie que l’ancien Premier Ministre français Dominique de Villepin consacre depuis plusieurs années à Napoléon Ier. Dans cet ouvrage remarquablement écrit et au style enlevé, l’auteur aborde la période glorieuse de Napoléon Bonaparte, celle qui s’étend de 1796, date à laquelle remporte la campagne d’Italie, à 1807, année des victoires de Friedland et Wagram, qui confirment son hégémonie militaire sur l’Europe continentale.

Loin de se poser en hagiographe de l’Empereur, malgré l’admiration profonde qui transparaît au fil des pages pour un destin si exceptionnel, Dominique de Villepin s’attache ici à observer ce qui préfigurait déjà, durant la période d’ascension irrésistible de Napoléon, sa chute et celle de l’Empire français. Pour lui deux erreurs géostratégiques majeures ont été commises par Napoléon. Premièrement, c’est sa volonté d’appliquer un blocus continental envers l’Angleterre, décision décrétée en 1806 et de fait inapplicable étant donné l’étendue de l’espace géographique concerné. La deuxième grande erreur de Napoléon est l’hérédité conférée au nouveau régime impérial en 1804, à laquelle s’est ajoutée l’imposition de ses frères et sœurs à la tête de différents royaumes (Westphalie, Hollande, Naples, Espagne, etc.). Cette satellisation de l’Europe ne pouvait que logiquement déboucher que sur une soif de revanche inextinguible de la part des autres monarques, peu enclins à voir les concepts révolutionnaires défendus par la France bousculer l’ordre social et politique de leurs royaumes respectifs. La thèse qu’avance Dominique de Villepin est celle d’une utopie napoléonienne. Par la démesure de ses ambitions et par une suite d’erreurs politico-stratégiques flagrantes que ne pouvait éternellement compenser son génie militaire, Napoléon Bonaparte était dès le début condamné à voir échouer ses visées impériales et continentales. On se trouve là au cœur du problème existentiel du Ier Empire, à savoir le dessein napoléonien fondamentalement schizophrène de poursuivre la Révolution de 1789 tout en la parachevant par la mise en place d’un système despotique.


Le soleil noir de la puissance, grâce à son propos sans concessions, mais sans évacuer la puissance de vue et d’action de Napoléon, participe de fort belle manière au renouvellement de la littérature qui lui est consacrée depuis deux siècles. Une espèce de portrait de Dorian Gray de l’Aigle de Sainte-Hélène, en quelque sorte.

 

Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite