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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 15:51

"Aujourd’hui, nous pouvons reprendre le dehors. Des carcasses masquées, errantes, aux corps ankylosés. Squatter les nuits. Nous ne pourrons peut-être pas encore coller nos chairs, nous fondre dans la peau de l'autre. Mais nous reprendrons possession de nos jours et de nos nuits. 

Rester dans la danse. Ne pas s'arrêter. Danse, dansez jusqu'à l'aube. Mais après ? Oui, après. Garder les yeux ouverts."

Marie Chapron

 

 

Textes : Claire Longuet & Marie Chapron

Post-production : Claire Longuet

Son : Marie Chapron

Musique additionnelle : "I wanna be adored", Stone Roses

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14 avril 2020 2 14 /04 /avril /2020 16:08
"Au milieu du chaos mondial, même confinées quelques voix s'entremêlent. Plus rien maîtriser, alors autant maîtriser nos propres voix. Elles dessinent et pressentent un nouvel univers. Déjà commencé depuis quelques semaines. Des fleurs poussent dans nos nuits poétiques. Je me perds. Peu importe. Dans la nuit tous les combats sont permis."
Claire Longuet
Voix et textes : Journal de confinement de Marie Chapron, De Pierre et de Sang de Matthieu Roger (in Centuries, 2109, éd. Chloé des Lys)
Extraits sonores : Roma d'Alfonso Cuarón
Guitare : François Marteel
Réalisation : Claire Longuet

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5 avril 2020 7 05 /04 /avril /2020 12:39

Éditions Actes Sud, 2001

 

 

 

Un soir une mère monte dans un autocar avec ses deux enfants. Ils partent. Que fuient-ils ? Leur arrivée dans une petite ville balnéaire laisse entendre qu’ils sont juste partis en escapade. L’occasion pour Kevin, cinq ans, et Stanley, neuf ans, de découvrir pour la première fois la mer et ses remous. L’occasion d’aller baguenauder au milieu des lumières d’une fête foraine. Sauf que nous sommes en semaine, et que Stan et Kevin devraient être à l’école. Sauf que de cette mère on ne connaît même pas le nom, seulement quelques bribes de vie confiées au lecteur laissant apparaître une détresse psychologique profonde. Sauf qu’au fur et à mesure du temps, ce voyage improvisé s’apparente de plus en plus à un point de non-retour. « Est-ce qu’il est déjà trop tard ? » se demande ainsi cette femme (p. 108).

 

L’écriture de Véronique Olmi est un souffle qui s’épanche, que rien ne peut arrêter. S’affranchissant parfois de la ponctuation, elle peut désorienter lors des premières pages, mais on se laisse rapidement happer par cette oralité confuse et désordonnée, par les émotions de cette mère isolée, aussi recroquevillée dans sa narration qu’elle se sent seule dans sa vie. Seule la minuscule cellule familiale qu’elle forme avec ses deux fils semble revêtir une quelconque importance à ses yeux. « Voilà comment j’aurais dû passer le restant de mes jours : au lit avec mes gosses, le monde on l’aurait regardé comme on regarde la télé : de loin, sans se salir, la télécommande à la main, le monde on l’aurait éteint à la première saloperie » (p. 79) Qu’on ne s’y trompe pas : Bord de mer est un roman qui traite autant la condition des mères isolées que de la pauvreté, de la souffrance psychologique et d’un autre thème que je ne peux annoncer ici sans dévoiler la chute finale. Il résonne tel un cri du cœur désespéré, rempli d’amour autant que d’effroi. Poignant. Puissant. 

 

 

Par Matthieu Roger

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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 12:48

Éditions Delcourt, 2018

 

 

Si à la fin il ne devait en rester qu’un, il resterait Osamu Tezuka. Vénéré au Japon comme le grand maître du manga, il a laissé après sa mort en 1989 une œuvre considérable, passée depuis à la postérité. Les éditions Delcourt ont republié en 2018 l’intégrale de Barbara, œuvre sortant des sentiers battus publiée en 1973-74. S’appuyant sur un dessin en noir et blanc du plus bel effet, Osamu Tezuka y narre la vie de Yôsuke Mikura, écrivain se débattant entre ses doutes existentiels, ses pulsions inavouées et sa soif de reconnaissance publique. Le manga débute avec sa rencontre avec Barbara, une jeune hippie sans domicile fixe qu’il s’en va recueillir, et qui prendra peu à peu une place de plus en plus importante dans sa vie.

 

Barbara est une œuvre déconcertante dans le sens où elle mêle à la fois continuellement l’allégorie et la métaphore, empruntant les méandres d’un registre fantastique qui n’est pas sans rappeler Le Horla de Maupassant. Une allégorie tout d’abord, qui s’incarne dans le personnage de Barbara, dont l’existence même est mise en doute tout le long du livre. Muse imaginaire ou imaginée ? Sorcière ? Âme sœur ? Simple alcoolique ? Désarçonné, Yôsuke Mikura devient peu à peu dépendant de cette femme ô combien imprévisible. Métaphore filée ensuite, celle de l’inspiration littéraire et du génie créatif, dont les frontières sont toujours ténues avec la folie. Ce n’est pas pour rien que Barbara regorge de références aux écrivains et compositeurs français, comme Verlaine, Cocteau, Debussy, etc. C’est bien la figure du poète maudit que l’auteur convoque ici. Si le registre fantastique de cette bande dessinée chapitrée en quinze épisodes peut désorienter le lecteur, l’art du cadrage d’Osamu Tezuka fait souvent mouche et nous emporte malgré aux côtés des deux protagonistes. On a cependant beaucoup de mal à s’identifier à Yôsuke Mikura, dont le comportement perpétuellement sexiste et violent envers les femmes semble plus s’inscrire dans le contexte d’une époque où ce type de mœurs était accepté que dans un réel souci de l’auteur de dénoncer le machisme.

 

 

Par Matthieu Roger

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29 mars 2020 7 29 /03 /mars /2020 13:47

Le Cherche Midi éditeur, 1982

 

 

Drôle de gageure que celle de rassembler les « cent plus beaux sonnets de la langue française » en un seul volume. Tâche quasi impossible serait-on même tenté de dire, tellement la littérature française a donné et donne encore à l’art poétique. Dans cet ouvrage publié en 1982 aux éditions du Cherche Midi, Marie Letourneur tente de relever le défi, en divisant le livre en deux parties distinctes. La première regroupe une sélection de cent poèmes, présentés chronologiquement et censés être représentatifs des plus beaux traitements de cette forme très codifiée que constitue le sonnet. De Clément Marot au XVIsiècle jusqu’à Raymond Queneau au XXe, Marie Letourneur nous propose ici sa sélection personnelle, où l’on retrouve en bonne place les plus grands noms, tels Nerval, Baudelaire ou Hérédia, mais aussi des poètes aujourd’hui injustement oubliés, à l’image de Claude de Malleville (1597-1647), Charles Cros (1842-1888) ou encore Claudius Popelin (1825-1892). Si certains choix de Marie Letourneur sont discutables, le lecteur prend plaisir à parcourir ces poèmes aux univers ciselés, fortement empreints des thèmes romantiques.

 

De plus, dans la seconde partie de cette anthologie, une petite trentaine de poèmes sont regroupés, qui illustrent l’évolution stylistique du sonnet à travers les âges, et les débats littéraires qui s’ensuivirent. Nulle possibilité en effet, si ce n’est la licence poétique dont s’arrogent certains, d’échapper à la construction formelle en deux quatrains suivis de deux tercets. Mais le sonnet peut aussi constituer une arme de premier choix lorsqu’il se mue en pamphlet, diatribe, satire ou brocard. À titre d’exemple, comme le rappelle Marie Letourneur dans sa préface, « la polémique que suscite les œuvres de Benserade et de Voiture est sans doute l’épisode le plus marquant de l’Histoire de la Préciosité. Jobelins et Uranistes s’affrontent. Balzac se fera rapporteur et Corneille consigne l’événement ». Je ne peux m’empêcher de conclure cette courte chronique en vous livrant un poème d’Auguste Brizeux publié en 1874 qui, tout en modifiant la forme consacrée avec une composition renversée de deux tercets précédant deux quatrains, rend un hommage appuyé à la rythmique sonnettiste :

 

Les rimeurs ont posé le sonnet sur la pointe,

Le sonnet qui s’aiguise et finit en tercet :

Au solide quatrain la part faible est mal jointe.

 

Je voudrais commencer par où l’on finissait.

Tercet, svelte, élancé, dans ta grâce idéale,

Parais donc le premier, forme pyramidale !

 

Au-dessus les quatrains, graves, majestueux

Liés par le ciment de la rime jumelle,

Fièrement assoiront leur base solennelle,

Leur socle de granit, leurs degrés somptueux.

 

Ainsi le monument s’élève harmonieux,

Plus de base effrayante à l’œil qui chancelle :

La base est large et sûre et l’aiguille étincelle,

La pyramide aura sa pointe dans les cieux

 

 

 

Par Matthieu Roger

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27 mars 2020 5 27 /03 /mars /2020 15:09

Éditions Actes Sud, 2017

 

 

Avant d’être employé dans une poussiéreuse maison-musée de Canterbury, Tirso Alfaro menait pourtant une vie tout à fait normale. Il devait certes mener une thèse des plus alambiquées sur les émaux anciens, mais après tout l’originalité allait de soi pour ce doctorant espagnol, fils d’une archéologue internationalement reconnue. Sauf qu’un jour, à la suite d’un vol perpétré au sein du musée, sa vie bascule à jamais : il va dès lors devenir un « quêteur ».

 

Difficile d’en dire plus sans dévoiler toute une partie du scénario de ce roman qui nous emmène dans les méandres opaques du trafic illicite d’œuvres d’art. Notre jeune protagoniste l’apprendra assez vite : tous les coups sont permis, même les plus mortels. On sent que Luis Montero Manglano, l’auteur de ce livre, a pris un malin plaisir à tisser toutes les combinaisons secrètes que notre jeune héros aura à démêler. Des malversations obscures mystérieuses dont La Table du roi Salomon n’est en fait que le premier opus, deux nouveaux tomes du « Corps royal des quêteurs » ayant suivi aux éditions Actes Sud en 2018 et 2019. Ce n’est pas par hasard si Luis Montero Manglano parsème son récit de références et mises en perspectives historiques, puisqu’il est lui-même professeur d’histoire de l’art et d’histoire médiévale. Ce roman aborde notamment la question de l’héritage de la période de domination arabo-musulmane de l’Espagne, qui courut du VIIIe au XVe siècle. Lancé à la poursuite d’une relique multiséculaire, Tirso Alfaro devra faire montre autant de courage que d’érudition. Une enquête rondement menée, agréable à lire, dont la première partie me semble néanmoins mieux rythmée que la seconde, elle-même sujette à quelques rebondissements narratifs parfois trop prévisibles.

 

Par Matthieu Roger

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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 21:55

Éditions Actes Sud, 2019

 

 

À l’instar des ouvrages d’Éric Vuillard déjà chroniqués sur ce site, voici un nouveau livre indispensable. La guerre des pauvres, publié en 2019 aux Éditions Actes Sud, n’est rien moins qu’une mise en perspective historique des révoltes populaires et de leur rapport au pouvoir inique qui opprime les masses. S’appuyant sur l’exemple des révoltes populaires qui agitèrent l’Angleterre des XIIIe et XIVe siècles ainsi que sur celui des guerres paysannes qui embrasèrent le Saint-Empire germanique au XVIe siècle, Éric Vuillard déploie un style d’écriture extrêmement direct pour dépeindre la rage révolutionnaire qui signa la rupture irrévocable entre le peuple et ses souverains. Il convoque de nombreuses figures historiques, comme Jan Hus, et incarne cette rage d’exister en la personne de Thomas Münzer, prédicateur anabaptiste qui devint l’un des chefs de file des révoltes armées en Alsace et Thuringe. Thomas Münzer éructe, soulève les foules, menace les princes et les puissants : « s’il en est autrement, le glaive leur sera enlevé et sera donné au peuple en colère ». Avec un souffle qui nous ferait presque penser au protagoniste de Voyage au bout de la nuit de Céline, l’argot en moins, l’auteur dépeint des siècles d’oppression se mêlant au schisme religieux qui accouchera du protestantisme. Grâce à son style inimitable, il nous transporte au côté de cet homme jusque-boutiste mais luttant pour une cause fondamentalement juste. Ce n’est pas la narration biographique en tant que telle qui préoccupe ici Éric Vuillard, mais la colère sourde des peuples. Difficile de traiter sujet plus actuel.

 

C’est bel et bien ce jeu de miroir avec la crise de nos sociétés contemporaines qui rend La guerre des pauvres incontournable. « Ce n’était pas Dieu. C’étaient bien les paysans qui se soulevaient. À moins d’appeler Dieu la faim, la maladie, l’humiliation, la guenille. Ce n’est pas Dieu qui se soulève, c’est la corvée, les censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez coupés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés. » (page 58) C’est pourquoi ce récit doit avant tout se lire comme un manifeste politique. Ou quand un cri du cœur se mêle au cri du peuple.

 

 

Par Matthieu Roger

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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 14:43

Éditions Mnémos, 2019

 

 

Les Éditions Mnémos ont pris la très belle initiative de rééditer en format poche l’intégrale de la fantasy de Clark Ashton Smith, au sein de leur collection Hélios. Après Zoothique, publié en avril 2019, œuvre fondatrice pour s’engager dans les méandres de la magie noire véhiculée par les écrits de l’auteur, nous découvrons aujourd’hui Averoigne & Autres mondes, recueil de nouvelles nous transportant dans des mondes que l’imaginaire n’avait jusqu'alors jamais dépeints. En première partie de livre, les histoires d’Averoigne transportent le lecteur dans une Auvergne médiévale cartographiée autour de la cité fictive de Vyones, entourée de bois mystérieux, et de monastères et couvents mis à l’épreuve des forces du Mal. Avec Autres mondes, Clark Ashton Smith flirte avec la science-fiction horrifique, en imaginant des outre-mondes décadents, dangereux, confrontant constamment ses héros aux frontières du réel et de l’illusion.

 

Clark Ashton Smith est un écrivain américain de la première moitié du XXe siècle. Son style d’écriture est magnifique, ciselé, très inspiré, et ouvre un imaginaire mélancolique à la croisée des chemins entre la poésie de Baudelaire et le fantastique angoissant de Lovecraft. Ses narrations sont extrêmement poétiques, et enferment souvent leurs protagonistes dans les affres de mélancolies et nostalgies perturbantes, incompréhensibles, tragiques. Son art de la mise en scène se prête aux enchaînements rapides, ce qui lui fait privilégier la forme du conte noir à celle du roman. L’exotisme et la magie sont omniprésents, et viennent prendre le contrepied d’un classicisme qui transparaît à travers le vocabulaire très recherché et érudit dont il parsème ses phrases. Ses nouvelles sont des voyages à travers des espaces-temps insondables. Baroque au plus haut point. Je ne peux résister à l’envie de vous retranscrire ici un extrait d’un des poèmes qui viennent superbement clore Averoigne & Autres mondes (p. 354) :

 « Nos jours s’épuisant en errances parmi les ruines de nos cités sans âge. Leurs palais d’airain corrodé et les rues étirées entre des rangées d’obélisques d’or gisaient, tristes et affreux, dans la lumière morte, ou se noyaient dans des océans d’ombres stagnantes. Des villes accueillaient nos pérégrinations ; leurs vastes temples de fer préservaient en leur obscurité leurs mystères primordiaux et leurs dieux simulacres, oubliés par les siècles, aux yeux inaltérables rivés vers les cieux désespérés, et par-delà, la nuit prochaine, l’ultime oubli. »

 

 

Par Matthieu Roger

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 21:35

Série discrète, 2015

 

Quelques notes, quelque phrases, quelques mots. Le Bordelais Vincent Lafaille, ancien libraire et responsable des éditions série discrète, livre dans cet opuscule les pensées qui le taraudent. Des pensées livrées à la volée mais jamais gratuites, qui proposent une nouvelle géographie de l'espace. Au détour de ses chantiers, de ses déplacements et de ses marches personnelles, il invoque une "géographie qui s'invente puis disparaît" de manière incessante. Une géographie extrêmement poétique, qui nous laisse pensif et nous incite à nous abandonner à de nouveaux tempi, à "occuper l'espace à faible allure" afin d'en saisir les "proximités inattendues". Pour enfin "s'éloigner du sujet" et "malgré tout bifurquer", envers et contre tous. Ainsi S'éloigner du sujet nous propose-t-il d'embrasser sans attendre nos propres espaces de liberté. Un propos nécessaire et hautement revivifiant, qui "avance en formes irrégulières" pour notre plus grande délectation.

 

 

Par Matthieu Roger

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19 août 2019 1 19 /08 /août /2019 19:32

Éditions Actes Sud, 2006

 

 

Bien qu'il ait été publié en 2006, il y a déjà de cela treize ans, Eldorado est un livre d'une brûlante actualité. Il raconte en effet les destins croisés de Salvatore Piracci, capitaine d'un navire garde-côte dans les eaux siciliennes, et de Soleiman, jeune émigré soudanais cherchant à tous prix à accoster sur le continent européen. Alors que le premier sent monter en lui un dégoût profond et viscéral pour son métier, qui se résume in fine à intercepter les embarcations remplies d'immigrés dérivant vers l'Italie, le second, qui laisse derrière lui frère et mère, rêve d'une nouvelle vie. Leur parcours va soudainement prendre des chemins de traverses que l'un et l'autre n'auraient pu imaginer, dans des circonstances pour le moins dramatiques.

 

Laurent Gaudé, dont nous avons déjà souligné sur ce site la qualité du style d'écriture et la puissance d'évocation, réussit avec Eldorado un nouveau tour de force littéraire. Nous nous retrouvons littéralement happés par les destins des deux protagonistes, qui incarnent chacun à leur manière les faces d'un dé pipé. Car les jeux sont courus d'avance : l'Europe n'est pas une terre d'accueil des flux migratoires, et ses rives ne sont atteintes qu'au prix du sang, de la misère et du désespoir. Eldorado, à l'instar du passionnant roman graphique L'Odyssée d'Hakim de Fabien Toulmé (Éditions Delcourt, 2018-2019), nous transporte dans l'univers sordide des passeurs de migrants, qui n'hésitent pas à abuser et à jouer avec la vie de ces femmes et hommes qui ne peuvent plus faire marche arrière. Saisissant, poignant, bouleversant, ce récit narre l'absurdité d'une Méditerranée à la dérive, où les vies individuelles valent moins que le principe utopique d'une préservation des frontières inviolées. Et Laurent Gaudé d'introduire, au fil des pages, les tentatives désespérées d'un nouveau vivre ensemble, d'un nouveau partage des terres promises. Voilà un point de vue que  Marielle Macé ne renierait pas, elle qui dans Sidérer, Considérer (Éditions Verdier, 2017) lançait une injonction à déplacer notre focale pour analyser la présence des migrants au sein de notre quotidien, en mêlant considération, compassion et lutte en faveur de ces exilés d'un genre nouveau.

 

Eldorado est un roman à lire d'urgence, un roman qui ne pourra pas vous laisser insensible ! Une nouvelle preuve, s'il en était encore besoin, de l'importance incontournable de son auteur au sein du champ littéraire français contemporain.

 

 

Par Matthieu Roger

 

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite