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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 20:20

Bibliothèque de La Pléiade, éditions Gallimard, 1951

 

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Beaucoup d’encre a été déjà versée au sujet des Misérables de Victor Hugo. Œuvre intemporelle appartenant au patrimoine littéraire mondial, ce récit n’a pas fini de marquer les générations de lecteurs qui se succèdent à son chevet. Il se distingue d’emblée par son envergure imposante : mille cinq cents pages  aussi denses que passionnantes, qui nous projettent au cœur de la destinée tragique du forçat Jean Valjean. Mais Les Misérables n’est pas  qu’un simple roman, aussi captivant soit-il, car il constitue un réquisitoire politique implacable contre le paupérisme et l’injustice sociale. Victor Hugo ne s’en cache pas, à travers les trajectoires individuelles des protagonistes qu’il met en scène, il entend clamer à la face du monde le scandale de la misère et du déterminisme social. La thèse soutenue par Hugo est la suivante : la violence exercée par le corps social sur l’homme est telle qu’elle le prive à la fois d’espoir et de justice, à quelques rares exceptions près. Constat pessimiste mais non nihiliste, puisqu’il n’exclue nullement le réformisme politique et la rédemption des âmes, but poursuivis respectivement par l’auteur et son héros Jean Valjean.

 

Au-delà de l’histoire de ces misérables, c’est l’Histoire avec un grand H qui nous intéresse ici. L’auteur nous livre en effet ses meilleures pages lorsqu’il narre la bataille de Waterloo, le régime louis-philippien ou encore l’insurrection parisienne de juin 1832. Consacrant plusieurs chapitres à la dernière bataille livrée par Napoléon Ier, Hugo nous offre plusieurs moments épiques saisissants, tels la célèbre charge des cuirassiers sur les carrés anglais, la dernière charge de la Garde ou encore l’anéantissement du dernier carré français. Partons sans attendre avec lui au cœur des combats :

 

« Ney tira son épée et prit la tête. Les escadrons énormes s’ébranlèrent.

Alors on vit un spectacle formidable.

Toute cette cavalerie, sabres levés, étendards et trompettes au vent, formée en colonnes par division, descendit, d’un même mouvement et comme un seul homme, avec la précision d’un bélier de bronze qui s’ouvre une brèche, la colline de la Balle-alliance, s’enfonça dans le fond redoutable où tant d’hommes étaient déjà tombés, y disparut dans la fumée, puis, sortant de cette ombre, reparut de l’autre côté du vallon, toujours compacte et serrée, montant au grand trot, à travers un nuage de mitraille crevant sur elle, l’épouvantable pente de boue de Mont-Saint-Jean. Ils montaient, graves, menaçants, imperturbables (…). On croyait voir de loin s’allonger vers la crête du plateau deux immenses couleuvres d’acier ; cela traversa la bataille comme un prodige.

Rien de semblable ne s’était vu depuis la prise de la grande redoute de la Moskova  par la grosse cavalerie ; Murat y manquait, mais Ney s’y retrouvait. Il semblait que cette masse était devenue monstre et n’eût qu’une âme. Chaque escadron ondulait et se gonflait comme un vaste anneau du polype. On les apercevait à travers une fumée déchirée çà et là ; pêle-mêle de casques, de cris, de sabres, bondissements orageux de croupes des chevaux dans le canon et la fanfare, tumulte discipliné et terrible ; là-dessus les cuirasses, comme des écailles sur l’hydre. » (p. 341-342)

 

Tout simplement grandiose ! Le combat final de la barricade de la rue de la Chanvrerie, où l’on retrouve Jean Valjean, Enjolras, Marius, Gavroche et Javert s’avère tout aussi épique, dramatique illustration des tactiques de contre-insurrection urbaine employées à cette époque.

 

Et quelle meilleure manière de savourer ce monument de la littérature française que la magnifique édition proposée depuis plus de soixante ans par La Bibliothèque de La Pléiade ? On n’a, à ce jour, pas encore trouvé mieux.

 

 

Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite