Éditions Casterman, 2016
L'Amérique, ses grandes plaines verdoyantes et ses Indiens ont fait rêver toute une génération d'explorateurs en mal de voyages et de découvertes. Alexis de Tocqueville, célèbre notamment pour ses réflexions philosophiques et politiques, est de ceux-là. Dans Quinze jours dans le désert, il a conté son périple au tréfonds de la région des Grands Lacs, en direction de contrées que la civilisation occidentale n'avait toujours pas foulées, histoire que Kévin Bazot a décidé d'adapter en bande dessinée avec Tocqueville : Vers un nouveau monde.
Sous forme de récit initiatique, cette excursion graphique raconte l'errance, en 1831, du jeune aristocrate, futur intellectuel que nous connaissons aujourd'hui, à travers les États-Unis d'Amérique. Accompagné de son ami Gustave de Beaumont, empli d'illusions et de naïveté, il part en quête des Amérindiens qu'il imagine sauvages et réfractaires à la modernisation de l'Occident, plus axés sur la synergie avec la nature que sur le développement industriel. Le candide idéaliste va vite déchanter. Confronté à la réalité, il doit se rendre à l'évidence : ceux qu'il cherche sont en voie d'extinction, acculés par l'expansionnisme des colons. L'urbanisation dévore les forêts ! Contrairement à ce qu'il pensait, les Indiens, devenant les victimes de l'essor des grandes villes, se sont soumis à la culture de ceux qui ont investi leurs terrains. Partout les deux compagnons ne croisent que des Amérindiens miséreux, ivrognes, bagarreurs et voleurs n'ayant plus une once de révolte en eux. Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont sont les témoins de la construction de l'Amérique contemporaine ! Persévérants, s'enfonçant de plus en plus au cœur du Nouveau Monde, ils finiront par trouver ceux qu'ils étaient venus rencontrer. Mais, déjà, la civilisation est à deux pas de ces derniers espaces vierges…
L'auteur nous livre, ici, un triste portrait de l'Amérique des pionniers dans un ouvrage graphique inspiré, documenté, précis et détaillé, pour rester au plus proche du texte originel. Il en a conservé l'aspect critique, notamment l'imposition culturelle et religieuse des colons sur les Indiens en anesthésiant toutes volontés et toutes velléités par l'alcool.
Grâce à une ligne claire et un dessin diapré, Kévin Bazot illustre parfaitement son propos, immergeant le lecteur dans cette époque révolue où les vastes forêts dominaient encore le territoire.
Si le scénario n'est jamais palpitant, a contrario des grands westerns sur la conquête de l'Ouest, il n'en demeure pas moins passionnant du début à la fin !
Une adaptation réussie, respectueuse de l’œuvre d'Alexis de Tocqueville, superposant des images sur ses mots.
Par KanKr