Éditions Gaussen, 2010
Dès la première phrase Jérôme Croyet mentionne l’ouvrage de Jean-Claude Damamme Les soldats de la Grande Armée. Cela tombe bien, je l’ai déjà chroniqué sur ce blog ! La différence entre ces deux livres tient en ce que Croyer appuie son étude sur les lettres et écrits des simples soldats, alors que Dammame reconnaissait faire « la part belle aux hommes instruits », dont nous sont parvenus de plus nombreux témoignages. Ces bouts de récits inédits des grognards de l’Empereur ont été excavés par l’auteur dans diverses archives publiques ou collections privées. Ce qui est intéressant c’est que les illustrations qui les accompagnent, dont bon nombre de photos des œuvres, armes et uniformes exposés au musée de l’Empéri, sont également inédites. Jérôme Croyet s’empare de ces sources bibliographiques originales pour dresser un tableau synthétique de la vie quotidienne du soldat sous le Premier Empire. Sont ainsi évoqués le recrutement, la formation au sein du régiment d’affectation, les longues et épuisantes marches des manœuvres – entre 20 et 40 kilomètres par jour ! –, les conditions souvent déplorables d’hygiène, sans oublier bien sûr le combat et le retour au pays natal lorsque le sort se montre clément. À travers ce qu’écrivent soldats français à leur famille on comprend mieux ce que signifie vraiment le mot survivre. C’est avant tout lutter contre l’éloignement, ne pas se laisser envahir par la nostalgie du foyer. La majorité des soldats étaient des paysans, qui n’avaient souvent jusqu’alors pas même franchi les frontières de leur département. L’esprit de camaraderie s’avère alors extrêmement important pour ces hommes regroupés au sein de leur régiment et compagnie en fonction de leur village ou région d’origine. Les campagnes à travers l’Europe leur font découvrir d’autres peuples, d’autres cultures. Le chauvinisme est souvent de mise, car le Français de cette époque sent encore vibrer en lui l’appel révolutionnaire. C’est d’ailleurs ce qui différencie l’armée impériale des autres armées des monarchies européennes : la fibre patriotique est bien plus développée dans les rangs tricolores. Ajoutez à cela la confiance inébranlable placée dans l’Empereur et la possibilité jusqu’alors jamais observée de pouvoir gravir rapidement les échelons militaires, et vous obtiendrez pour résultat un moral collectif qui restera longtemps très élevé. Ce moral déclinera à partit de 1809, au moment où l’invincibilité des troupes impériales commencera à être remis en question sur les champs de bataille d’Espagne et d’Europe de l’est.
Pour ceux que la lecture de l’ouvrage très complet de Jean-Claude Damamme pourrait rebuter, Soldats de Napoléon leur offre un bref mais passionnant aperçu de qui étaient véritablement ces hommes qui combattirent pour la gloire de la France et de Napoléon. On peut faire confiance à l’auteur, docteur en histoire et spécialiste de la Révolution et du Premier Empire, pour ne jamais verser injustement dans la légende dorée ou la falsification des témoignages recueillis.
Par Matthieu Roger