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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 14:27

Éditions Julliard, 2006

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Kafr Karam est un petit village perdu au fin fond du désert irakien. Les jeunes y errent sans aucune perspective d’avenir, totalement désœuvrés, et les anciens se complaisent dans une vie morne et routinière, reclus du monde, pendant que dans tout le pays les troupes d’occupation américaines font l’objet d’attentas à répétition. Le dictateur Saddam Hussein a beau avoir été déchu de son piédestal, le pays n’en sombre pas moins dans la guerre civile et le chaos. Le narrateur de cette histoire fictive, un jeune Bédouin réservé et sensible, va voir sa vie en basculer deux fois, coup sur coup. La première fois lorsque son cousin, handicapé mental, est injustement abattu sous ses yeux par une patrouille de GI‘s. La deuxième fois lorsque sa famille et lui se font molester et humilier par une escouade américaine venue fouiller le village à la recherche d’hypothétiques cachettes d’armes. Ces deux évènements tragiques, qui viennent s’ajouter aux reportages anti-américains quotidiens d’Al Jazeera, vont insuffler au protagoniste une haine sourde envers l’occupant, à laquelle il lui faudra trouver coûte que coûte un exutoire. Il décide donc venger l’honneur de sa famille en venant grossir à Bagdad les rangs des fedayin promis au martyre des attentas-suicides.

 

Ce n’est pas pour rien que les romans de Yasmina Khadra rencontrent depuis une dizaine d’années un succès international. Avec Les sirènes de Bagdad celui-ci signe le troisième volet d’une trilogie débutée avec Les hirondelles de Kaboul et L’attentat. Sa narration est puissante, elle nous aspire dans les tourbillons ocres des étendues désertiques, elle saisit les sentiments des hommes exposés à la violence et à la misère, elle rend compte de l’immoral ballet des armes et du choc des civilisations qui se jouent actuellement au Proche-Orient. En nous faisant suivre l’itinéraire de ce jeune Bédouin, l’auteur nous projette dans ce que la guerre a de plus dramatique, à savoir l’aliénation idéologique menant au fanatisme et à l’intolérance. Et offre par la même occasion une vision assez pessimiste du dialogue interculturel, principe louable mais battu en brèche par les éruptions sauvages du ressentiment et de la vengeance. Entre Orient et Occident l’incompréhension est telle qu’aucun critère moral ne semble plus désormais plus voix au chapitre. Partageant la fuite en avant de ces individus égarés dans le chaos de la violence quotidienne, le lecteur n’entrevoit au final aucun espoir de rémission puisque même les êtres les plus innocents peuvent être frappés de manière aveugle par la mort, ou bien emportés par les flots d’une « colère inextinguible ». Aucune échappatoire possible donc, si ce n’est celle que nous offre la musicalité parfois enivrante du style d’écriture de Yasmina Khadra, perceptible dès le premier paragraphe : « Beyrouth retrouve sa nuit et s’en voile la face. Si les émeutes de la veille ne l’ont pas éveillé à elle-même, c’est la preuve qu’elle dort en marchant. Dans la tradition ancestrale, on ne dérange pas un somnambule, pas même lorsqu’il court à sa perte. » Les sirènes de Bagdad chantent la colère des hommes pour qui le soleil du Levant n’a pour teinte que de l’or du feu ou de la pourpre du sang.

 

 

Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite