Éditions J’ai Lu, 2005
Ce deuxième tome des Annales de la Compagnie noire nous emmène à Génépi, cité située aux confins nord de l’empire de La Dame. On y retrouve le médecin militaire Toubib, le narrateur, ainsi que les différents mercenaires qui composent la Compagnie noire. Cette fois-ci les intérêts de la Compagnie noire paraissent difficiles à préserver, tant l’affrontement mortel qui se tisse entre La Dame, ses Asservis et le Dominateur génère d’incertitudes. Le pire, pour les hommes de la Compagnie, c’est qu’en bons fantassins ils n’entendent rien à la magie noire des nécromanciens. De quoi pimenter encore un peu plus leur nouvelle mission suicide.
J’ai trouvé Le château noir encore plus passionnant que le premier opus, La Compagnie noire, tant le rythme narratif est élevé et truffé de rebondissements, tous plus bien amenés les uns que les autres. Le style de Glen Cook est vraiment singulier, car le récit correspond en fait strictement aux retranscriptions des événements effectuées par l’annaliste Toubib. Le style est donc militaire, sec, assez peu descriptif, des moins châtiés et souvent cru, ce qui pourra rebuter certains lecteurs. La vie de la Compagnie ne comporte qu’embuscades, rapines et mêlées meurtrières, et l’on apprend vite que les états d’âme sont à proscrire dans ce monde ravagé par la magie noire et des guerres endémiques. Ainsi parle Toubib : « Je ne crois pas au mal absolu. Je me suis déjà expliqué à ce sujet dans certains passages des annales, et d’une façon générale cette opinion transpire dans ma façon de rapporter toutes mes observations depuis que je suis le rédacteur en titre de ces chroniques. Je nous trouve comparable à l’ennemi, et je crois que les notions de bien et de mal sont déterminés par après les événements par ceux qui survivent. Il est bien rare de trouver parmi les hommes une incarnation de la bonté ou du mal. Lors de notre guerre contre les rebelles, il y a huit ou neuf ans, nous avons lutté dans le camp réputé mauvais. (…) Au moins, les salauds dans cette affaire étaient francs du collier. » (p. 260-261). Le décor est planté. L’auteur offre ainsi au lecteur l’exploration d’un univers de « dark fantasy » des plus saisissants, qui m’a fait penser à une version noire du Wastburg de Cédric Ferrand. On observe le cours des évènements uniquement à travers les yeux de Toubib (narration à la première personne) ou de Shed l’aubergiste (narration à la troisième personne), en un va-et-vient équilibré qui dynamise incontestablement le récit.
Par Matthieu Roger