Les moutons électriques, 2015
Je pèse mes mots : Chasse royale est l’un des meilleurs livres de cette année 2015. Un pur régal littéraire, que j’ai avalé d’une traite et qui ne devrait pas décevoir beaucoup de ses lecteurs. Chasse royale poursuit le récit de la vie de Bellovèse entamé par Jean-Philippe Jaworski dans Même pas mort, en lui conférant cette fois-ci une dimension tragique saisissante. Car Bellovèse, fils de Sacrovèse, n’est pas un homme comme les autres. Guerrier celte affilié à la fois aux Turons et aux Bituriges, il se trouve désormais au service du haut-roi Ambigat, celui-là même qui vainquit son père au combat. Écartelé entre les liens du sang, la crainte des dieux, le code de l’honneur et la fraternité des armes, Bellovèse devient héros, main armée de la vengeance. Car si Jean-Philippe Jaworski déploie sous nos yeux incrédules cette saga celtique puissante et épique, c’est pour mieux nous offrir l’effroyable tragédie des hommes dont se joue le Destin. À l’image des soldures ayant pour obligation de périr au côté de leur roi, le sang requiert le sang, même s’il faut pour cela sacrifier sa propre famille. Grâce à son style d’écriture riche et précis comme le glaive, l’auteur nous transporte dans une folle chevauchée au devant de la mort, toujours plus folle, toujours plus meurtrière. « La guerre, elle est comme le puits de la Déesse, ce conduit obscur par lequel circulent le passé et l’avenir. C’est un abîme au fond duquel miroitent des mystères trompeurs : nous dansons tous sur ses lèvres, nous jouons avec la peur du vide. Et, tôt ou tard, nous y basculons tous. » (p. 113-114) À ce titre, la seconde partie du livre ne laisse pas une seule seconde de respiration au lecteur.
Lancez-vous sans la moindre hésitation dans cette saga des Rois du monde ; impossible de rester insensible au souffle épique qui s’en dégage page après page. Le rythme ternaire de la citation liminaire ne s’y trompait pas : « Le sang gicle. Bataille sauvage. L’esprit est troublé. » Ce second tome est un conte magistral, la preuve écrite que la littérature est art.
Par Matthieu Roger