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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 18:54

Éditions Gallimard, 1983


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Avec Gilles et Jeanne Michel Tournier revisite la légende de Jeanne d’Arc et celle de son compagnon de route Gilles de Rais. Oscillant entre conte – avec par exemple une reprise du Petit Poucet de Perrault – et récit historique, l’histoire est celle de la longue descente aux enfers de Gilles de Rais, maréchal de France, brave d’entre les braves au cours de la Guerre de Cent ans, qui se transforma après la mort de Jeanne sur le bûcher de Rouen en un pédophile sanguinaire, adorateur du Malin et des forces obscures. La première partie du livre révèle l’emprise morale qu’exerce la Pucelle d’Orléans sur Gilles de Rais. Sa force de conviction et ses hauts faits ravissent le chef de guerre, qui voit dans la jeune paysanne venue de Domrémy l’incarnation de la sainteté et du Bien. Déjà attiré par le transcendantal et le surnaturel, Gilles de Rais se déclare prêt à la suivre aussi bien au Ciel qu’en Enfer. Et c’est bel et bien ce qu’il fera. Ravagé par la mort de Jeanne, il tend désormais à en incarner l’antithèse. Dès lors, il passe ses journées à parcourir ses vastes domaines, où ses hommes de mains le ravitaillent en jeunes garçons, ces derniers étant promis aux pires sévices et à une mort atroce. Bien qu’il ne connaisse pas la nature précise des exactions de son maître, Blanchet, son confesseur, se trouve désemparé devant une telle déchéance. Il part alors en Italie, à Florence, où il rencontre un clerc versé dans les sciences occultes, Francesco Prelati, qu’il fait revenir avec lui au château de Tiffauges. Loin d’être l’homme providentiel qui pourrait sauver l’âme de Gilles de Rais, Prelati n’a de cesse d’inciter l’ « ogre de Tiffauges » aux plus noirs desseins. Mais les exactions de ce sinistre tandem ne finiront pas impunis. Dénoncé par l’ampleur de ses crimes, Gilles de Rais se voit convoqué devant un tribunal ecclésiastique et avoue ses forfaits. Convaincu de sorcellerie, de sodomie et d’assassinats, il est condamné à être brûlé vif en compagnie de deux de ses sicaires. Ses derniers mots résonnent de l’amour envers celle qu’il a toujours révérée et qu’il va maintenant rejoindre dans l’au-delà : « Jeanne ! Jeanne ! Jeanne ! ».

 

Ce livre, facile à lire, est une bonne occasion de découvrir le style alerte et l’univers littéraire de Michel Tournier. Ce dernier, qui obtint en 1970 le prix Goncourt pour un autre roman, Le roi des Aulnes, verse souvent dans le fantastique. Ce n’est donc pas une surprise si les figures de l’ogre (Gilles de Rais) et de l’androgyne (Jeanne d’Arc) réapparaissent dans Gilles et Jeanne. L’inversion de leur nature intrinsèque (la sainte / le démon) et le parallélisme de leur trajectoire (la gloire et les affres de la Guerre de Cent ans, puis la mort sur un bûcher) relient ces deux personnages sur un mode à la fois mystérieux et touchant.

 

Ceux qui voudraient en savoir plus sur la véritable vie du "serial-killer" Gilles de Rais peuvent se référer à l'ouvrage de l'abbé Eugène Brossard publié en 1992 par les éditions Jérôme Millon Gilles de Rais : maréchal de France, dit Barbe-Bleue.

 


Par Matthieu Roger

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Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite