Coédition (mouvement)SKITe – sens&tonka, 2004
En 2004-2005 une collaboration entre (mouvement)SKITe et sens&tonka a abouti à la publication d’une série de quatre ouvrages traitant des politiques culturelles en France. Ce premier opus intitulé « L’Imagination au pouvoir » – ce titre reprenant le slogan de langien de 1981 – se penche sur la période de l’accession de la gauche au pouvoir, plus précisément entre 1981 et 1984. En sollicitant les contributions d’une quinzaine de spécialistes, dont, entre autres, Jack Lang, Daniel Bensaïd, François Léotard, Jack Ralite ou encore Philippe Urfalino, « L’Imagination au pouvoir » redonne vie, à travers les yeux de certains de ses propres acteurs, à une époque souvent considérée – quelquefois à tort – comme l’âge d’or des politiques artistiques et culturelles. Mais ce que cet ouvrage raconte est aussi l’arbitrage cruel des choix budgétaires, ainsi que les luttes politiques pour favoriser telle ou telle vision de la culture, que ce soit en paroles ou en actions. La figure de Jack Lang reste centrale dans le récit des différents intervenants, puisque c’est lui qui symbolise la prise de conscience de la possibilité d’un véritable volontarisme politique en faveur de la culture. Réintroduisant du lyrisme et de l’idéalisme à la tête du Ministère de la Culture, il a permis que la culture soit considéré comme un levier politique à part entière. Même si Malraux l’avait déjà revendiqué, la partie était loin d’être gagnée, surtout en temps de crise économique.
Ce qui m’a le plus intéressé dans cet ouvrage, c’est de pouvoir parcourir certaines des lettres que s’adressaient François Mitterand et Jack Lang sur les arbitrages à donner aux politiques culturelles lancées en 1981. Celles-ci témoignent bien de la difficulté opérationnelle du volontarisme politique. On voit là que le choix politique se trouve continuellement paramétré par les contingences politiciennes, médiatiques et financières. Ce constat prend un goût amer si on l’analyse à l’aune de la situation dramatique que vit le secteur culturel en France en 2012. Comment réenchanter les arts si ceux-ci ne peuvent s’appuyer à la fois sur une structuration pérenne et un réel volontarisme politique ? Telle est la question insoluble à laquelle sont aujourd’hui confronté les artistes et les professionnels de la culture. Question à laquelle Vincent Dubois répond en convoquant la nécessité de l’autonomie du champ artistique. « On ne doit pas administrer la culture et les institutions doivent être au service d’une finalité qui les dépasse. En aucun cas elles ne doivent être une finalité en elles-mêmes, comme si la politique culturelle pouvait être une sorte d’impulsion et, qu’une fois celle-ci initiée, le processus se perpétue. (…) Il y a une antinomie ici entre la notion d’institution et celle d’élan perpétuel qu’on se plaît à afficher lorsque l’on parle de culture. » (p. 78)
Par Matthieu Roger